Foot Normand

Le SMC de Fabrice Vandeputte décrypté par Stat Malherbe

Après six matches à la tête du Stade Malherbe, Fabrice Vandeputte est toujours à la recherche de son premier succès (3N-3D). ©Damien Deslandes

Tout ce qui est susceptible d'aller mal ira mal. Le Stade Malherbe aurait pu (dû) s’inspirer de la loi de Murphy, développé par l’ingénieur aérospatial du même nom, à savoir considérer par prudence dès 2020, une possibilité de descente en National 1, car le pire est toujours certain. En licenciant Pascal Dupraz à huit journées de la fin du championnat, les dirigeants caennais pensaient pouvoir stopper la descente infernale des « Rouge et Bleu » et obtenir un maintien sans coup férir. Mais après six matches sous la houlette de Fabrice Vandeputte, le bilan est tout autre. Avec trois nuls pour autant de défaites, le club normand se fait peur et signerait avec les deux mains pour une place de barragiste.

Pascal Dupraz et fabrice Vandeputte n'ont pas trouvé de formule pour faire coopérer 11 hommes efficacement

C’est bien là le problème, le SMC a peur, les joueurs ont peur et ça se voit sur le terrain. Certains comportements et langages corporels ne trompent pas. Pourtant, « la peur n’évite pas le danger », ou encore, comme écrivait le philosophe Spinoza, « là où il y a de la crainte, il y a de l’espoir ». Ces maximes, nous (supporters) les entendons trop souvent en période de crise comme si nous cherchions à nous rassurer, alors que nous sommes scotchés dans les bas-fonds de la Ligue 2. Ces belles phrases ne pèsent guère une fois sur le terrain. « Moins de blabla, plus d’actions », réclamaient les supporters avant la rencontre à Sochaux (J35. défaite 1-0, le 24 avril). C’est pourtant avec une défaite que Malherbe est rentré en terre normande.

Si Pascal Dupraz ne semblait plus être en mesure d’identifier des leviers pour performer, le néo (futur-ex) coach caennais nous propose des copies avec un fil conducteur difficilement lisible. Il n’y a qu’à voir ses différents onze de départ et les systèmes afférents. En réalité, la continuité entre le Savoyard et l’ancien entraîneur de la réserve existe bel et bien : les deux techniciens n’ont pas trouvé la formule pour faire coopérer efficacement 11 hommes malherbistes cette saison.

4-2-3-1, 4-3-3, 4-1-4-1 : trois systèmes utilisés en six matches

En l’espace de six sorties, trois systèmes ont été utilisés au coup de sifflet initial : 4-2-3-1 à deux reprises contre Pau et Grenoble, 4-3-3 face à Troyes, de nouveau 4-2-3-1 contre Dunkerque puis 4-1-4-1 deux fois consécutivement face à Sochaux et Auxerre. Une instabilité plus ou moins subie avec les différentes absences. Elle est le reflet d’un collectif dont les capacités interdépendantes se sont écroulées. Si l’on sent les joueurs impliqués émotivement, leur capacité coopérative et associative (compétence socio-émotionnelle selon la méthode de Paco Seirul-Lo, éducateur au FC Barcelone) n’apparaît pas. En supposant que la performance collective est égale au potentiel multiplié par la cohésion, au moins un des deux facteurs fait défaut depuis très longtemps dans cette équipe.

Après avoir annoncé qu’il reproduirait un 4-2-3-1 entrevu avec la réserve, en N2, Fabrice Vandeputte a démarré ses deux premières rencontres avec ce schéma. Comme souvent, lorsque l’on veut étudier une composition, le dispositif tactique ne suffit pas. L’analyse des profils veut dire beaucoup du ton que l’entraîneur souhaite donner à la rencontre.

L'association Alexandre Mendy - Benjamin Jeannot à la loupe

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Dans le cas du Stade Malherbe, arrêtons-nous sur le choix de VdP d’associer haut sur le terrain, Alexandre Mendy et Benjamin Jeannot. Cette option avait été expérimentée seulement à une reprise sous Pascal Dupraz à l’entame d’une rencontre (J21. défaite 2-1 contre Rodez, le 23 janvier). Un duo attaquant pivot-attaquant en retrait où Alexandre Mendy était chargé d’utiliser sa puissance et sa présence dans les airs plutôt que sa technique pour créer le jeu avec ses coéquipiers. Encore une fois, les aptitudes de ce dernier se sont avérées plus utiles dans les temps faibles caennais, pour gagner des mètres en remportant ses duels et faire remonter un bloc équipe sous pression, plutôt que lors des temps forts.

Quant aux compétences de Benjamin Jeannot, elles étaient attendues par les fans, lui qui n’a été titulaire que deux fois en championnat cette saison sous Pascal Dupraz. Il sait faire le lien entre l'attaque et le milieu en se positionnant dans les espaces. Il sait se montrer à son avantage comme relayeur pour fluidifier le jeu ou même créer du déséquilibre en orientant le jeu souvent par des appuis-remises ou déviations avant les 30 derniers mètres adverses, mais il a encore peiné à peser dans le dernier tiers.

Un déficit de réalisme toujours aussi présent avec Fabrice Vandeputte

Avec Fabrice Vandeputte, le SMC joue différemment avec et sans ballon. Malgré des oppositions corsées (Grenoble - Troyes - Sochaux - Auxerre), l’animation offensive se veut plus collective avec un jeu au sol combiné rapide pour plus de verticalité, moins de latéralité. Les milieux, par exemple, s’aventurent dans des zones qu’ils ne fréquentaient plus auparavant. Prince Oniangué, Jessy Deminguet et Jessy Pi n’hésitent pas à se projeter quitte à menacer un équilibre collectif.

Alors qu’il avait la réputation d’être chiant à jouer, le Stade Malherbe a plus ouvert le jeu que d’habitude, pris des risques avec ballon, avec de la variété mais créant trop peu de danger (15 entrées dans la surface par match sous VdP contre 19 sous PD) et surtout toujours sans efficacité. Alors que son déficit de réalisme était déjà présent dans les chiffres sous Pascal Dupraz (32 buts marqués contre 37.64 expected goals), il se répète sous Fabrice Vandeputte : trois buts inscrits pour 4.51 expected goals soit un écart défavorable de 1,51 buts après six matches.

Comparatif du SM Caen entre Pascal Dupraz et Fabrice Vandeputte
  Entrées dans la surface adverse Buts marqués Expected goals Tirs concédés
Pascal Dupraz 19 32 37,64 10,16
Fabrice Vandeputte 15 3 4,51 12

Sans ballon, le club normand est moins agressif. Il commet trois fautes de moins sous VdP qu’avec PD. La ligne de pressing (ligne imaginaire à partir de laquelle on enclenche le pressing) a souvent été basse sur le terrain. Hormis durant la première demi-heure face à Troyes ou sur les dernières minutes contre Grenoble et Sochaux (dans une situation où le SMC était mené au score), il a peu usé d’un harcèlement haut sur le terrain. D’une manière générale, l’équipe a moins bien défendu et concède plus de tirs (12 tirs sous VdP contre 10,16 avec PD). Et puisque attaque et défense ne font qu’un, si tu défends moins bien, tu attaques moins bien…

Le bloc équipe a perdu de sa compacité. Aligné en 4-1-4-1 en cette fin avril, l’équipe fut sur certaines séquences comme coupée en deux avec une très grande distance entre les cinq profils les plus offensifs et les cinq plus défensifs rappelant la causerie d’Aimé Jacquet lors de la demi-finale de la France face à la Croatie en 1998 où il invitait ses joueurs à choisir entre avancer ou reculer car il y avait 50 mètres entre les lignes… D’ailleurs, lors de cette mi-temps le sélectionneur français invectivait ses joueurs : "Vous avez peur et bien vous allez perdre". La peur, tiens, tiens, toujours elle…

> L2. J37 - Toulouse (3e - 65 points) / SM Caen (18e - 38 points), samedi 8 mai à 20 heures au Stadium.

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