Pour commencer à trouver un début d’explication sur les raisons de cette rétrogradation en National, remontons 11 mois en arrière, au soir du 17 mai. Sous l’impulsion de Nicolas Seube, nommé fin novembre, le Stade Malherbe a effectué une magnifique remontée au classement (13V-3N-7D) ; les play-off ne se dérobant que pour un « petit » point (6e). En accordant sa confiance à certains cadres (Romain Thomas, Ali Abdi, Alexandre Mendy…) tout en (re)lançant des jeunes issus de la formation (Brahim Traoré, Noé Lebreton, Dieudonné Gaucho…), le technicien caennais pense avoir posé les bases d’un collectif pour un futur meilleur. Grave erreur… Au lendemain de l’ultime journée de cet exercice 2023-2024, et une victoire 3-0 aux dépens de Valenciennes, de nombreux joueurs, par l’intermédiaire de leur entourage, viennent taper à la porte de la direction pour réclamer leur transfert : Brahim Traoré, Ali Abdi, Dieudonné Gaucho… Une liste loin d’être exhaustive. A partir de cet instant-là, il est acquis que ce groupe doit être regénéré en profondeur ; plusieurs de ses membres, et non des moindres, n’ayant plus l’esprit tourné vers la maison « Rouge et Bleu ». On comprend mieux le visage fantomatique qu’ils ont affiché les mois suivants.
Problème, le rachat du club normand par Kylian Mbappé est déjà dans les tuyaux. Ce processus paralyse tout l’été malherbiste et principalement le mercato, dans le sens des arrivées comme des départs. Les garçons cités un peu plus haut, qui s’imaginent sous d’autres couleurs, sont donc tous conservés contre leur gré, même si l’international tunisien finira par partir après le gong à Nice. Dans ce contexte pour le moins pesant, le SMC réalise une préparation catastrophique avec, notamment, quatre défaites en cinq sorties dont une gifle monumentale face à Guingamp (6-1) ! Livrés à eux-mêmes et sans interlocuteur ; le président Olivier Pickeu et le directeur sportif Yohan Eudeline n’ayant quasiment plus aucun pouvoir de décision en attendant que la vente soit officialisée, Nicolas Seube et son staff sont confrontés à une multitude de difficultés qui les dépassent, à l’image des envies d’ailleurs d’Andreas Hountondji (22 ans) et Norman Bassette (20 ans). L’international belge U19 n’hésitera pas à sécher l’entraînement sans en avertir personne, et encore moins son coach, pour forcer son transfert. Alors qu’ils auraient pu bénéficier d’un temps de jeu conséquent avec l’équipe première de leur club formateur, ils seront finalement tous les deux vendus en Championship, respectivement à Burnley et Coventry.
Quand le non-transfert d'Alexandre Mendy revient comme un boomerang à la face des dirigeants
Mais le cas le plus emblématique de cet été complètement à l’envers demeure incontestablement Alexandre Mendy (31 ans). S’appuyant sur la promesse d’un bon de sortie accordée par Olivier Pickeu au moment de sa prolongation en 2023, l’avant-centre du Stade Malherbe sollicite son départ à Sunderland (D2 anglaise). Seul souci, mais de taille, le nouvel Etat-major ne l’entend pas de cette oreille. Les dirigeants ont-ils estimé qu’ils n’y trouvaient pas leur compte sur le plan financier (une somme entre 2 et 3 M€, bonus compris, est évoquée à l’époque) ou que faute d’anticipation, ils n’auraient pas la capacité et le temps pour le remplacer ? Certainement un peu des deux. Toujours est-il que le n°19 des « Rouge et Bleu » est retenu contre son gré ; ce qui se révèle rarement une bonne idée pour le joueur comme pour le club. Un bras de fer s’engage alors entre les deux parties ; Alexandre Mendy allant jusqu’à rater pendant plusieurs semaines les séances collectives. Si l’international bissao-guinéen finira par rester, devenant même quelques mois plus tard le meilleur buteur de l’histoire du SMC (avec, à ce jour, 72 réalisations), le ver est largement dans le fruit.
Sans préparation digne de ce nom (il n’a participé à aucun match amical) ; la période la plus importante de la saison de son propre aveu, l’attaquant disparait progressivement des radars, à l’image de son équipe. Cette situation qui ne demandait qu’à exploser, tôt ou tard, revient à la face du board caennais tel un boomerang il y a trois semaines quand le principal intéressé règle ses comptes en direct à la TV, dans la foulée d’une énième claque reçue sur la pelouse du Paris FC (défaite 4-2 après avoir été mené 4-0). Si, une poignée de jours plus tard, Alexandre Mendy tente de minimiser ses propos en conférence de presse, de manière assez maladroite mais conformément aux souhaits de sa direction, ses déclarations reflètent un mal-être qui a flotté au-dessus du vestiaire malherbiste toute la saison. Difficile de croire que ce sentiment n’a pas tenu un rôle majeur dans cette relégation en National.
Une direction qui a beaucoup (trop) misé sur Yann M’Vila
Figure de proue du projet Mbappé pour le Stade Malherbe, Yann M'Vila, à court de forme puis blessé, n'a quasiment jamais évolué à 100% de ses capacités physiques. ©Damien Deslandes
S’il a paralysé les départs potentiels (lire ci-dessus), le rachat du Stade Malherbe par Kylian Mbappé a pendant longtemps aussi bloqué le mercato dans le sens des arrivées. Finalement, cinq renforts ont été enregistrés. Enfin, quatre car il est difficile de comptabiliser Umaro Candé dans cette catégorie ; l’ailier de poche n’étant apparu qu’à une seule reprise sur une feuille de match des « pros », sans entrer en jeu qui plus est (contre Guingamp, le 22 décembre, en Coupe de France). Alors que son profil interpelle sur la nature de son recrutement, aujourd’hui comme il y a huit mois (on se rapproche du « panic buy » de la fin août, notamment si Alexandre Mendy était parti), Kalifa Coulibaly s’est, lui, apparenté à un élément de complément comme on pouvait l’imaginer.
Si séduisant sous le maillot de Rodez (L2) les saisons précédentes, Lorenzo Rajot est complètement passé à côté de son sujet. C’est l’une des grandes déceptions (sportives) de cet exercice 2024-2025. D’ailleurs, un jour, il faudra sérieusement se poser la question de savoir pourquoi beaucoup de joueurs se montrent performants avant et/ou après leur passage au SMC mais affichent un visage tellement faible sous les couleurs « Rouge et Bleu ». Car l’ancien ruthénois n’est pas un cas isolé. Pourtant, malgré l’échec de son recrutement à l’instant T, quelque chose nous laisse penser que le Stade Malherbe de demain doit se construire avec le milieu relayeur.
Malgré l'échec de son recrutement à l'instant T, pourquoi ne pas construire avec Lorenzo Rajot
Loin d’être le plus affamant sur la phase aller (bon, il faut dire que la barre n’avait pas été placée très haute), Quentin Lecoeuche a presque disparu sur les matchs retour, avec l’arrivée de Jules Gaudin à son poste de latéral gauche en janvier. Reste Yann M’Vila, premier renfort du projet Mbappé. Un élément sur lequel les dirigeants caennais ont beaucoup (trop) misé, sur et en dehors des terrains. Le problème quand on passe la majorité de son temps à l’infirmerie, en soins ou en tout cas en marge du groupe à cause de blessure, c’est qu’il est difficile d’affirmer son leadership. Comme on pouvait le craindre, alors qu’il sortait d’une saison quasi-blanche, l’ex-international français, du haut de ses 34 ans, n’a presque jamais été à 100% de ses capacités physiques. Il est arrivé à court de forme, avant de se blesser pendant trois mois au droit fémoral puis de disputer la seconde partie de championnat sur une jambe, se trouvant, par moments, dans l’incapacité d’accélérer. Et le pire pour ses coéquipiers, c’est qu’avec sa qualité technique, son sens du jeu et son expérience, Yann M’Vila fut loin d’être le plus ridicule.