Sa reconversion
"Ma priorité, c'est de rejoindre un club comme directeur sportif ou manager général"
"Je n'ai jamais envisagé une reconversion dans un autre domaine que le foot. Pour moi, c'est simple, c'est le foot, le foot, le foot... Aujourd'hui, je me sens à l'aise dans ce costume de consultant. Ça me permet de voyager, d'être au bord des terrains, de revoir des gens avec qui j'ai vécu des bons moments dans le passé... Pourtant, ce n'est pas une chose à laquelle je songeais quand j'étais joueur. Mais quand j'ai annoncé l'arrêt de ma carrière, j'ai reçu une offre de Mediapro (éphémère diffuseur de la L1-L2 avec sa chaîne Téléfoot). J'ai rencontré les décideurs, j'ai vu l'équipe qui était en train de se constituer avec beaucoup d'anciens coéquipiers, ça m'a plu. Je me suis dit : « Je vais tenter l'expérience ». Le fait d'enchaîner directement après l'annonce de ma retraite de joueur m'a permis de tourner la page assez rapidement. Et comme un symbole, le premier match que j'ai commenté, c'est à Amiens (où il a terminé sa carrière), en Ligue 2.
Est-ce qu'on m'apprécie dans ce rôle ? Sûrement. Si on m'a proposé derrière Amazon et RMC, c'est que ça doit convenir à pas mal de personnes. Maintenant, ma priorité, c'est de rejoindre un club comme directeur sportif ou manager général. Jusqu'à présent, je n'ai pas eu de proposition satisfaisante à mes yeux. J'aimerais bien m'inscrire dans cette voie. Constituer un effectif, être à la base d'un recrutement, gérer un club professionnel, c'est quelque chose que j'ai envie de tenter. J'ai déjà connu un peu ça dans le milieu amateur avec Evreux (dont il fut le président entre 2009 et 2013).
Est-ce que je suis nostalgique de ma carrière de joueur ? Il n'y a pas si longtemps que j'ai raccroché (en 2020). Et puis j'ai joué 20 ans, j'ai eu une bonne carrière, j'ai gagné des titres, vécu de grandes émotions. J'en ai profité. J'ai eu la chance de jouer avec les meilleurs joueurs en France, des Tops joueurs de niveau mondial, dans des gros clubs (Lille, Lyon, PSG...). A un moment, il faut savoir passer à autre chose. Et je ne vais pas vous mentir, j'avais 37 ans quand j'ai arrêté. Personne n'est éternel. J'ai essayé de tenir le plus longtemps possible. Si j'avais pu continuer une saison ou deux de plus, je l'aurais fait mais les événements ne me l'ont pas permis (l'exercice 2019-2020 a été arrêté prématurément au mois de mars à cause de la pandémie de la Covid-19). Maintenant, je continue à jouer avec mes potes".
Son rapport avec Evreux
"Quand je passe devant le stade qui porte mon nom, ça me fait toujours quelque chose"
"Aujourd'hui, je n'ai plus de lien officiel avec le club (l'EFC 27). Je suis sorti du Conseil d'administration il y a environ dix mois. Maintenant, je suis toujours en relation avec le président (Philippe Mongreville), avec certains acteurs du club (son père, Sylvain, en est le directeur général). J'y passe dès que je peux. Je suis toujours les résultats. Pour moi, c'est un club à part, celui où j'ai commencé tout petit. Voir le stade porter mon nom, qui est plus est de mon vivant (sourire), c'est une grande fierté, ce n'est jamais anodin. Quand je passe devant, ça me fait toujours quelque chose, moi, qui ai grandi dans le quartier juste à côté (La Madeleine). Je vois ça aussi comme une récompense du travail qu'on a fourni.
Est-ce que j'occuperai de nouveau un rôle au sein de l'l'EFC 27 à l'avenir ? Franchement, je ne sais pas. Je ne dis pas oui comme je ne dis pas non. Ma précédente expérience m'a pompé beaucoup d'énergie, beaucoup de temps. Ça n'a pas toujours été simple. Quand c'est chez vous, c'est toujours un peu compliqué. Il faut résoudre tous les problèmes. Comme tout le monde a mon numéro, on m'appelait en permanence. Il n'y avait pas de barrière.
Après, au niveau de la ville, avec mes collègues sportifs, on essaye de mettre en place un maximum d'actions. Il y a Bernard (Mendy) aussi et la jeune génération avec Ousmane (Dembélé) et Dayot (Upamecano) qui prennent le relais. A Evreux, on a la chance d'avoir un vivier de sportifs extraordinaire. Chez nous, on ne se contente pas d'être juste un sportif. On essaie de donner aux clubs, chacun est parrain d'une association. Le plus important, c'est que tout le monde répond présent. On se mobilise tout au long de l'année, que ce soit à Noël, pour les vacances scolaires..., pour les enfants, les personnes en difficulté".
Ses fils, Mathéo et Timéo veulent marcher sur ses traces
Timéo et Mathéo Bodmer évoluent respectivement avec les U17 du Stade Malherbe et les U19 du HAC. ©Damien Deslandes
Un Bodmer peut en cacher un autre, ou plus exactement deux autres. Si Mathieu a raccroché ses crampons à l'été 2020, ses deux fils, Mathéo (17 ans) et Timéo (15 ans), respectivement pensionnaires des centres de formation du HAC et du Stade Malherbe, assurent la relève. Membre du groupe d'entraînement de la réserve havraise, l'aîné fréquente principalement les U19 tandis que le cadet fait partie du groupe des U17 caennais. Tous les deux sont milieux de terrain, mais dans des styles différents. "Aujourd'hui, je n'ai pas de cheveux blancs à cause de mes garçons. Ma seule préoccupation, c'est de savoir s'ils sont blessés ou pas, s'ils jouent ou pas, s'ils ont été bons ou pas...", lance l'ancien joueur de Lyon, du PSG et de Saint-Etienne assez fier de voir ses enfants marcher sur ses traces. Et avec plus de 600 matches « pros » à son actif, l'actuel consultant pour Amazon Prime Video est bien placé pour les mettre en garde sur les pièges de ce milieu. "Evidemment, il faut faire attention. Je sais ce qui est bien et moins bien mais c'est quand même un métier extraordinaire".
L'ancien joueur formé à Caen garde également un œil attentif sur la progression de ses deux fils. "Dès qu'ils sortent de leur match, je reçois un message à 16 h 55", confie celui qui a son petit rituel pour assister aux prestations de ses enfants. "Pour le grand, au Havre, tous ses matches sont filmés et disponibles sur une plateforme. Chaque lundi matin, je les regarde". Et forcément, derrière, Mathéo - une apparition avec l'équipe de Paul Le Guen la saison dernière, contre Troyes, lors de la 38e journée (il avait disputé l'intégralité de la seconde période) - a le droit à son débriefing. "Il essuie beaucoup de critiques (sourire). Non, mais j'essaye de l'aider à gommer les petites imperfections qu'il peut commettre ; ce qui est bien normal à son âge".
Le Stade Malherbe
"C'est triste de voir Caen 16e, 17e ou 18e"
"Je ne garde que des souvenirs positifs de mon passage à Caen. En U17, on avait atteint la finale du championnat de France. C'est une date marquante de l'histoire du club. Ce n'est pas arrivé si souvent (une seule fois depuis, en 2018, avec les U19). Beaucoup de joueurs de cette époque ont réalisé une belle carrière derrière : Bruno Grougi, Benoît Lesoimier, Sigamary Diarra, Ronald Zubar... Pour moi, le Stade Malherbe, c'est le club qui est venu me chercher chez moi, qui m'a formé, c'est là-bas que j'ai obtenu mon bac, disputé mon premier match pro, décroché mon premier contrat pro... Ce sont des événements marquants dans la vie d'un jeune footballeur et plus généralement d'un jeune homme. Je suis toujours le club. Je regarde tous ses matches. J'ai un bon ami à moi qui joue devant, Alex (Mendy, son coéquipier à Nice).
C'est une nouvelle époque, le Stade Malherbe a été racheté par Pierre-Antoine Capton (avec le fonds d'investissement américain Oaktree) avec Olivier Pickeu comme président. La saison dernière, ça n'a pas été évident (maintenu à la dernière minute de la dernière journée). Ce n'est pas normal. C'est triste de voir Caen 16e, 17e ou 18e. A un moment, il va falloir que ça joue la montée. Vous savez, au cours de ma carrière, tous les joueurs avec qui j'ai échangé, ils étaient toujours heureux de jouer pour Caen ou contre Caen. C'est une ville sympa, dans le stade, il y a toujours du monde, c'est un vrai club.
Est-ce que j'aurais aimé boucler la boucle en y terminant ma carrière de joueur ? Non, du tout. Un retour dans le club de vos débuts, ça fonctionne rarement. Quand tu as connu une belle histoire avec un club, c'est toujours compliqué d'y revenir. Et comme dirigeant dans un avenir à moyen terme ? On ne me l'a jamais proposé et je ne suis pas sûr qu'on me le propose un jour. Vous savez, le foot, ça va vite, les gens ont la mémoire courte. Je ne suis pas certain que tout le monde se souvienne que j'ai joué à Caen. Et puis, aujourd'hui, il y a des personnes en place, qui font le travail".
La formation
"Pendant quelques années, Malherbe s'est éloigné de sa philosophie de club formateur"
"Quand on parle du Stade Malherbe, ce qui me ravit actuellement, c'est qu'il y a pas mal de jeunes qui commencent à jouer. Il y a une génération plutôt brillante. J'apprécie beaucoup le petit (Brahim) Traoré. Je le connais plutôt bien car il était en sélection avec mon fils aîné, Mathéo. Il y a aussi (Johann) Lepenant. Et ceux qui arrivent derrière, les U17 et les U19, pour les avoir vu jouer, c'est plutôt pas mal. Caen doit lancer des jeunes. A mon époque, le club s'appuyait sur son centre de formation. Je crois que j'ai été l'un des derniers à être lancé par Pascal Théault avant son licenciement (en 2020). Bien sûr, il y avait des jeunes de talent mais on nous laissait jouer. Pendant quelques années, je trouve que Malherbe s'est éloigné de sa philosophie de club formateur. Les directions précédentes ont pris des joueurs âgés, d'expérience. Bien sûr, il en faut, surtout en Ligue 2 mais quand tu as un tel vivier...
Il y a trois-quatre ans, j'ai été un peu déçu. Les U19 font finale puis demi-finale de leur championnat avec Michel Rodriguez et pas grand-monde n'a percé. Bien entendu, ce n'est pas parce que vous atteignez le dernier carré dans ces catégories que ça signifie que vous allez faire une carrière. Mais pour les avoir vus jouer à l'époque, il y avait quelques joueurs qui étaient plutôt pas mal. Trois-quatre d'entre eux ont rejoint le groupe pro mais ils ne sont pas parvenus à s'y installer. Selon moi, il y a une génération qui est un peu passée à la trappe.
Aujourd'hui, comme il y a un peu moins d'argent, il y a un peu plus de place. Si les droits TV avaient été payés normalement, est-ce que les jeunes joueraient autant ? Ce n'est pas certain. Il faut prendre le positif dans chaque chose. C'est ce que je répète aux clubs tous les week-ends. Des idées de recrutement, il y en a partout : en National, en National 2, chez les jeunes. Quand je vois le transfert d'Alexis Beka Beka (pour 6 M€ + 1 M€ de bonus au Lokomotiv Moscou), c'est ça un club formateur, un club qui vend bien ses joueurs, pour pouvoir en former d'autres derrière, et petit à petit construire une équipe en capacité de remonter en Ligue 1".
Mathieu Bodmer au SM Caen
Mathieu Bodmer
> Né le 22 novembre 1982 (39 ans) à Evreux (Eure).
> Ancien milieu de terrain - défenseur central.
> Consultant média (Amazon Prime Video, RMC Sport).
> Carrière : ALM Evreux (jusqu'en 1998, équipes de jeunes), SM Caen (1998-2003, centre de formation-L2), Lille (2003-2007, L1), Lyon (2007-2010, L1), Paris SG (2010-janvier 2013, L1), Saint-Etienne (février-mai 2013), Nice (2013-janvier 2017, L1), Guingamp (janvier-mai 2017), Amiens (2017-2020, L1).
> Palmarès : champion de France en 2008 et 2013, vainqueur de la Coupe de France en 2008, vainqueur de la Coupe de la Ligue en 2013.
> International espoirs et A'.