Foot Normand

Manu Lepresle, un « gamin » de Malherbe chez les « pros »

Manu Lepresle fut le seul nouveau membre à accompagner Nicolas Seube dans son staff quand celui-ci a repris l'équipe « pro » il y a trois mois. ©Damien Deslandes

Manu Lepresle, le joueur

"Comme me le répétait Philippe Tranchant : « Avec tes 1,12 m, ça va être compliqué »"

Avant d’en devenir l’un des éducateurs puis l'un des préparateurs physique, Manu Lepresle a été un joueur du SMC. Une première licence souscrite, au début des années 1990, alors qu’il n’avait pas encore soufflé sa septième bougie ! Il faut dire que le Stade Malherbe, c’est « son » club, celui de son quartier. "J’habitais à 200 mètres de Venoix. Mon père a connu la première montée en D1 dans les gradins, en 1988. Mes parents vivent d’ailleurs toujours dans la même maison". Si, à l’époque, le processus de recrutement dans les jeunes catégories n’est pas aussi sélectif qu’aujourd’hui, celui qui évolue dans les cages réalise toutes ses classes au centre de formation des « Rouge et Bleu » où il côtoie du beau monde : Mathieu Bodmer, Bernard Mendy, Bruno Grougi pour ne citer qu’eux. Toutefois, il ne sera jamais en mesure d’emprunter la même voie que ses coéquipiers ; celle menant au professionnalisme. "Dans les groupes U15-U18 nationaux, j’étais plutôt un second couteau, dans l’ombre, à m’entraîner deux fois plus que les autres mais sans avoir le talent. Et comme me le répétait Philippe Tranchant : « Avec tes 1,12 m, ça va être compliqué »", se remémore-t-il avec le sourire.

Philippe Tranchant, incontestablement le technicien qui l’a le plus marqué. "Je me souviens des jeux en une touche de balle dans la fosse. On jouait des heures. Les arcades pouvaient sauter, ça continuait. L’intensité qu’il pouvait y avoir lors de ces séances. Philippe nous martelait, à l’excès parfois, que le résultat était la conséquence du jeu. Il nous répétait sans cesse : « Jouer pour être efficace », « Jeu en mouvement, redemander le ballon »". Des consignes qui ont façonné son ADN quand il est passé de l’autre côté, embrassant la carrière d’éducateur au SMC, collaborant avec un certain… Philippe Tranchant. "On a travaillé ensemble avec la réserve. Il m’a présenté Daniel Jeandupeux. Quand tu discutes cinq minutes avec lui, tu as les yeux grands ouverts. C’est Daniel Jeandupeux…(1) C’est comme pour Pascal Théault(2), je bois ses paroles". Autant d’idoles de sa jeunesse.

(1)Entraîneur du Stade Malherbe de 1989 à 1994, Daniel Jeandupeux a notamment conduit l’équipe à la 5e place de D1 en 1992, soit le meilleur classement de l’histoire du club caennais, disputant la Coupe d’Europe la saison suivante.

(2)Joueur, directeur du centre de formation puis entraîneur de l’équipe professionnelle, Pascal Théault a consacré 35 ans de sa vie au SM Caen.

Manu Lepresle (au 1er rang, accroupis, 3e en partant de la gauche) a souscris sa première licence au Stade Malherbe à l'âge de 7 ans. Il pose ici, avec ses camarades de l'école de foot en compagnie de Brian Stein, attaquant anglais ayant évolué pendant deux saisons avec le club caennais (1988-1990).

Manu Lepresle, l’éducateur

"J’ai compris que l’entraînement pourrait me plaire"

A 18 ans, Manu Lepresle n’est pas conservé par le Stade Malherbe. Mais il ne range pas ses crampons au placard. Il file chez le voisin de l’ASPTT (en DSR, l’actuel R2) où il évoluera pendant quatre ans… sur le champ (!), arpentant le couloir avec son pied gauche. "Quand j’ai découvert le stabile à Hérouville où on s’entraînait, j’ai pris un grand coup derrière la casquette. Les conditions étaient tellement rudes (il fait claquer ses mains l’une contre l’autre) que j’ai été un peu dégoûté du poste de gardien. Je me suis dit : « Je vais tenter ma chance sur le terrain", raconte le préparateur physique du SMC qui a joué également une saison à Verson (DH-R1) aux côtés d’un certain Fabrice Divert en clôture de « sa » carrière.

S’il ne porte plus le maillot « Rouge et Bleu », ce n’est pas pour autant qu’il quitte la maison « Rouge et Bleu ». Alors qu’il a démarré des études à la fac de sports, Manu Lepresle devient éducateur. "J’ai demandé au club s’il y avait des besoins", explique-t-il tout simplement. "C’est à ce moment-là que j’ai basculé vers le métier, que j’ai commencé à avaler des kilomètres, que j’ai compris que l’entraînement pourrait me plaire". Une vocation qui débute avec des séances spécifiques pour les graines de futurs gardiens avant, au fur et à mesure des années, d’intervenir dans toutes les catégories jusqu’aux U14 fédéraux, où il dispense des cours de motricité. "De la préparation physique adaptée à un jeune public", précise celui qui fut marqué par sa rencontre avec Antoine Théault, le frère de Pascal, responsable de l’école de foot de Malherbe durant 18 ans !

Dès 18 ans, Manu Lepresle a embrassé la carrière d'éducateur au Stade Malherbe, accompagnant des dizaines de jeunes footballeurs aux quatre coins de la France pour participer à des tournois comme ici, à Nice.

Manu Lepresle, le préparateur physique

"Tu ne peux pas venir de l’extérieur et faire du copier-coller de ce que tu as connu ailleurs"

En 2008, alors que l’équipe première sort de l’une des saisons les plus abouties de son histoire (11e de L1), Manu Lepresle reçoit une offre de la part de Sébastien Bannier. De retour à la tête de la « B » caennaise depuis quelques semaines, le technicien est à l’époque directeur de la formation. "Séb me demande si je suis prêt à reprendre la préparation physique du centre et notamment des groupes réserve-U19". Ce Malherbiste pure souche saisit cette opportunité. L’aventure va durer une quinzaine d’années, jusqu’en novembre dernier quand Nicolas Seube lui propose de rejoindre les « pros » (lire ci-dessous). Particularité, en plus des diplômes fédéraux, Manu Lepresle se forme en parallèle à travers une collaboration entre « A Caen la forme / Greenfit », structure privée dans laquelle il est aujourd’hui associé, et un laboratoire de recherche et de développement suisse : Volodalen. "On travaille sur les préférences motrices, les préférences cognitives".

Pendant ce long passage au centre de formation, l’ex-gardien a failli claquer la porte, à une reprise, en désaccord avec les valeurs prônées par le directeur de l’époque. "Il a bafoué l’identité du club", estime le « gamin » de Venoix. "Et ça m’a foutu en l’air. Tu ne peux pas venir de l’extérieur et faire du copier-coller de ce que tu as connu ailleurs. Il faut prendre en compte le passé du club : ses réussites, ses échecs, la manière dont il s’est construit… Peut-être que je n’ai pas eu le courage de partir. D’autres n’ont pas hésité mais je crois que j’ai bien fait d’avoir été patient". S’il y a eu une « mauvaise » rencontre, elle a largement été contrebalancée par les dizaines et les dizaines de jeunes joueurs fréquentés toutes ces saisons : de Youssef El Arabi à Johann Lepenant en passant par Raphaël Guerreiro, Thomas Lemar ou encore Alexis Beka Beka. "Tu as aussi tous ceux que tu retrouves dans le foot amateur. On a connu tellement de choses ensemble que tu gardes forcément des liens. Quand tu les recroises, tu leur demandes ce qu’ils sont devenus", souligne Manu Lepresle pour qui, il ne faut pas sous-estimer les conséquences d’une séparation avec son club formateur. "Quand le couperet tombe, tu prends cher. Je le sais, je l’ai vécu et je l’ai encore en tête. C’est pourquoi il est important d’être bien entouré. Car j’en ai vu des gamins sombrer".

Durant son précédent passage chez les « pros » avec une mission maintien en Ligue 2 à assurer, Manu Lepresle a beaucoup appris au sein du staff de Fabrice Vandeputte (à droite), notamment aux côtés de Cédric Hengbart. ©Damien Deslandes

Manu Lepresle, le membre d’un staff « pro »

"Fin mai, j’étais rincé comme jamais je ne l’avais été"

Il est le seul à avoir suivi Nicolas Seube quand celui-ci a repris la direction de l’équipe première, il y a trois mois ; le reste du staff étant déjà en place. "Ça s’est fait quasiment du jour au lendemain. Nico m’a expliqué qu’il devenait l’entraîneur des pros. Il a souhaité que je l’accompagne. J’ai dit oui tout de suite car j’ai senti qu’on voulait travailler avec moi", résume Manu Lepresle qui ne considère pas ce poste comme une fin en soi mais plutôt "une chance énorme". Le préparateur physique n’en est pas à son baptême du feu dans le monde « pro ». Durant l’exercice 2018-2019, le dernier à date en Ligue 1 du club caennais, il est appelé en renfort par Fabien Mercadal pour la préparation d’avant-saison avec un statut de "n°2 et demi" derrière Christophe Manouvrier et Jean-Marc Branger. L’intéressé n’en garde pas un souvenir impérissable. "J’étais un peu perdu car je n’avais pas de rôle bien défini. Ça m’a conforté dans le fait que quand tu ne crées pas un climat d’apprentissage, tu peux mettre autant de moyens que tu veux, ça ne fonctionnera pas".

Quelques années plus tard, le revoilà dans le staff des « pros » mais dans un contexte radicalement différent. Nous sommes en mars 2021, Pascal Dupraz vient d’être débarqué, Fabrice Vandeputte a été choisi pour assurer l’intérim avec pour mission le maintien en L2. Dans cette tâche, il est épaulé par ses adjoints de la réserve (N2) : Cédric Hengbart et donc Manu Lepresle. "J’arrive avec mon énergie, ma bonne foi, mes années à la formation mais je n’avais pas l’expérience de cette situation". Il faut dire qu’il est difficile d’imaginer un scénario plus cauchemardesque. "On ne gagne plus un match, on est en train de couler, tu te fais insulter… Les supporters qui rentrent dans notre bus avant Auxerre… Ça te marque à vie". Du coup, le préparateur physique vit des semaines agitées. "Tu ne dors plus, tu rumines. Ça m’a bouffé beaucoup d’énergie. Fin mai, j’étais rincé comme jamais je ne l’avais été". Au coup de sifflet final de la victoire aux dépens de Clermont (2-1, le 15 mai 2021), il ressent "une décharge émotionnelle". "C’est dingue, tu fais n’importe quoi avec ton corps". De ces trois mois vécus comme dans une machine à laver, Manu Lepresle a énormément appris, principalement aux côtés de Cédric Hengbart. "Comme avec Nico aujourd’hui, la pression rebondit sur eux. C’est ça la force du haut niveau". Ce vécu l’aide actuellement dans son nouveau rôle au contact de Romain Thomas et de ses coéquipiers. "Maintenant, la gestion est plus simple pour une bonne raison : on gagne des matches. La victoire amène de la confiance. Encore fallait-il débloquer cette série. Car ils sont bien nés ceux qui donnent des conseils". Et pourquoi ne pas vivre une nouvelle soirée à fortes émotions courant mai.

C’est dans l’ancien vestiaire des « pros » de Venoix où il a passé de nombreuses années ensuite en tant qu’éducateur qu’on a retrouvé Manu Lepresle. "Ce lieu doit être sacralisé. C’est ici que le club a connu ses plus belles années avec Franck Dumas et ses coéquipiers", rappelle le préparateur physique du SMC. ©Damien Deslandes

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