"Conserver Michel comme entraîneur fut mon premier choix à Nantes. Il avait terminé les deux derniers mois de la saison précédente sur le banc (en binôme avec Japhet N’Doram) mais il n’était en rien responsable de la descente en Ligue 2. J’ai insisté pour qu’il reste. C’était l’âme de ce club, il incarnait ses valeurs. Quand je l’ai appelé, il a écourté ses vacances pour qu’on ait une discussion. Par rapport à ce qu’on lui proposait, il avait un contrat de base plus important, mais il a baissé son salaire pour prendre le poste". L’anecdote rapportée par Xavier Gravelaine remonte à 2007 à une époque où il officiait en tant que conseiller du président Luc Dayan au sein d’un FC Nantes en pleine reconstruction avant son rachat par Waldemar Kita. 12 mois plus tard, les Canaris retrouvaient la Ligue 1. Pour l’actuel directeur sportif (DS) de l’US Avranches, elle résume parfaitement la personnalité de Michel Der Zakarian, le nouveau coach du Stade Malherbe. "Un vrai bon mec".
"Un homme droit, intègre, loyal", énumère Michel Rodriguez, l’ancien responsable des U19 du SMC (2017-2020), qui l’a côtoyé comme joueur puis éducateur à Montpellier. "Des qualités de plus en plus rares dans ce milieu". "C’est un battant, il l’était déjà sur un terrain, doté d’une mentalité exemplaire. Il dégage une grinta", témoigne Xavier Gravelaine. "Certains vont transpirer", promet-il. Décrit comme un technicien à poigne, l’intéressé ne s’embarrasse pas de fioritures, n’hésitant pas à bousculer ses troupes. Ça tombe bien, le vestiaire caennais a sérieusement besoin d’être secoué. Michel Rodriguez le reconnaît : "C’est vrai qu’il a un côté direct. Personnellement, j’apprécie sa sincérité et sa franchise". D’autres pourront se sentir désarmés devant elles. "Mais jamais il ne vous mentira".
"Dès le lendemain, il m'a passé un coup de fil pour s'excuser. Je ne connais pas beaucoup d'entraîneurs qui l'auraient fait"
Bertrand Queneutte
Derrière ce personnage taiseux au premier abord, qui ne sera jamais le plus grand bavard du monde en conférence de presse, se cache "quelqu’un de très attachant", "un type charmant, élégant" avec qui "tu peux déconner", et "qui éprouve énormément de respect pour les footballeurs et le football". "Après un match, il était énervé. A la suite d’une question anodine, il s’est emporté contre moi. Il était très chaud, il s’est même cassé de la pièce", raconte Bertrand Queneutte, journaliste normand expatrié à Montpellier où il a pendant longtemps suivi La Paillade pour Radio France. "Mais dès le lendemain, un dimanche matin, il m’a passé un coup de fil pour me présenter ses excuses. J’ai trouvé le geste très classe. Je ne connais pas beaucoup d’entraîneurs qui l’auraient fait". On confirme.
Une étiquette d’entraîneur défensif dont il se défend
"Exigeant", "travailleur", "juste" sont les termes qui reviennent le plus souvent dans la bouche de nos interlocuteurs pour évoquer Michel Der Zakarian, le technicien. Un coach auquel on a accolé des étiquettes. Bienvenue dans le monde merveilleux du football français. "Celle d’un entraîneur défensif mais il s’en défend", explique Bertrand Queneutte qui nuance cette réputation pas totalement justifiée selon lui. "Ce que je peux dire, c’est qu’il a fait de la solidité défensive sa base pour construire son équipe". Cette méthode a porté ses fruits ; le MHSC ayant été classé à quatre reprises dans le Top 10 de Ligue 1, entre 2017 et 2021, sous sa direction, trois fois avec l’une des dix arrière-gardes les plus imperméables du championnat. "Il a tout verrouillé". En la matière, le boulot ne va pas manquer au Stade Malherbe (35 buts encaissés en 23 journées).
"Les dirigeants auraient pris cette décision à la place de Baltazar, Malherbe n'en serait pas là aujourd'hui"
Xavier Gravelaine
D’ailleurs, toutes les personnes interrogées sont unanimes : c’est le coach dont la maison « Rouge et Bleu » a besoin. Tout le contraire d’un Bruno Baltazar dont la nomination fin décembre avait provoqué l’incrédulité (pour ne pas dire plus) des observateurs, supporters et partenaires du club caennais. Michel Der Zakarian coche, lui, sur le papier, toutes les cases : habitué des joutes de la Ligue 2 (avec des passages à Nantes donc et aussi à Clermont et Reims), possédant l’expérience de la lutte pour le maintien, en Ligue 1 certes à la tête des Canaris, de Montpellier et de Brest, et sachant mener une opération commando. "Par rapport à la mission qu’on lui demande, c’est presque l’entraîneur idoine", lance Bertrand Queneutte. Son de cloche identique chez Xavier Gravelaine. "Dans sa situation, Malherbe ne pouvait pas rêver mieux. Pour le miracle qu’il faut réaliser, c’est le meilleur choix possible".
Miracle, le mot est lâché. En même temps, avec dix points de retard sur le barragiste (16e) à 11 journées du terme, l’opération sauvetage revêt plus des allures de mission impossible. Les dirigeants n’ont-ils pas trop tardé pour appeler Michel Der Zakarian au chevet de ce SMC profondément malade ? C’est la question qui brûle les lèvres de chaque supporter « Rouge et Bleu ». "Ils auraient pris cette décision à la place de (Bruno) Baltazar, Malherbe n’est serait pas là aujourd’hui", avance le DS de l’US Avranches. "Toujours est-il que j’ai beaucoup plus confiance dans l’avenir du SM Caen avec Der Zak (son surnom) qu’avec n’importe quel autre entraîneur", enchaîne Bertrand Queneutte. Surtout que l’homme connaît la recette. A son retour au sein d’une formation montpelliéraine "en pleine dégringolade", en février 2023, il avait entamé ce second mandat par une série de sept matches consécutifs sans défaite dont cinq victoires. "Il avait provoqué un vrai électrochoc", se souvient notre confrère héraultais. Sera-t-il capable de rééditer l’exploit avec les partenaires de Romain Thomas ? Début de réponse samedi, contre Pau, sous les coups de 14 heures.
Restera-t-il en poste en cas de relégation en National ?
Michel Der Zakarian a dirigé son premier entraînement en tant que coach du Stade Malherbe mercredi après-midi, prenant au passage un bain de foule ; 150 supporters ayant assisté à cette séance. ©Théo Hamel
C’est l’une des principales questions qui seront posées à Michel Der Zakarian ce midi, lors de sa première conférence de presse dans le costume de coach du Stade Malherbe. Pour le moment, aucune communication n’a été réalisée sur la durée de son engagement avec le club caennais. Bertrand Queneutte, notre confrère normand spécialiste de Montpellier, l’imagine mal exercer en troisième division. "Je ne le vois pas en National", pense l’ex-journaliste de Radio France. Michel Rodriguez ne partage pas forcément cet avis. "S’il se sent bien à Caen, il restera, même en National et surtout si on lui propose le challenge d’une remontée en Ligue 2", estime l’ancien éducateur des U19 du SMC. Une chose est sûre : "Entraîner, Michel a vraiment ça dans le sang. Il kiffe son métier".