Quand vous interviewez Mohamed Hafid, il ne faut pas s'attendre à des déclarations tapageuses, des annonces chocs pour alimenter un quelconque buzz sur les réseaux sociaux ou un discours agressif envers un coach, un dirigeant. Ce n'est pas le style de la maison. Du haut de ses presque 19 ans (il les fêtera le 1er décembre), le jeune homme est calme, structuré, réfléchi. Et à écouter son entourage, il semble également parfaitement accompagné. Pourtant, de l'extérieur, il y a de quoi se poser deux-trois questions sur sa non-utilisation depuis le début du championnat. Remontons un peu le fil de l'histoire. Sur l'exercice précédent, le n°22 des « Rouge et Bleu » était le finaliste de la Gambardella 2022 disposant du plus de temps de jeu, devant Norman Bassette (261'). "Dix apparitions pour 13 groupes", souligne celui qui vient tout juste d'obtenir son baccalauréat, option math. Au point de s'attirer les compliments de Stéphane Moulin, pas spécialement réputé pour distribuer des minutes comme des Tic Tac, surtout avec la classe « biberon ».
Mais pendant l'intersaison, l'ex-entraîneur d'Angers a plié bagage, remplacé sur le banc malherbiste par Jean-Marc Furlan. Un technicien ne manquant jamais une occasion de rappeler « qu'on ne monte pas en Ligue 1 avec des jeunes » même si ses actes ne rejoignent pas toujours ses paroles (Brahim Traoré est un élément indiscutable au milieu de terrain, Diabé Bolumbu compte déjà trois titularisations). Des sorties médiatiques qui sont parvenues jusqu'aux oreilles du vestiaire caennais. "Bien sûr qu'on se sent concerné, c'est quand même notre coach", lâche Mohamed Hafid pas plus offusqué que ça par ces propos. "Quand on reprend ce qu'il a déclaré, on ne peut pas vraiment dire qu'il a tort. On a besoin de l'expérience des anciens. Il faut un mixte entre les deux (les garçons les plus expérimentés et les néo-professionnels)".
"Quand on reprend ce que le coach a déclaré, on ne peut pas vraiment dire qu'il a tort. On a besoin de l'expérience des anciens"
Mohamed Hafid
Toujours est-il que depuis le coup d'envoi de cet exercice 2023-2024, le milieu offensif joue peu, voire pas du tout (huit minutes). Pour le principal intéressé, cela ne résulte en rien de la politique de son entraîneur mais plutôt d'une préparation perturbée par les blessures. "Quelques jours après ma reprise, je me suis fait une entorse de la cheville (gauche). J'ai repris trop tôt, j'avais encore des douleurs. Ma cheville n'était pas assez consolidée et j'ai rechuté. Derrière, j'ai eu une nouvelle entorse, cette fois-ci sur l'autre cheville. Et pour finir, en septembre, je me suis fait écraser le pied à la suite d'un choc. J'avais un hématome et le pied vraiment gonflé. J'ai été diminué une bonne semaine", énumère l'international U20 marocain qui avait effectué son retour cet été un peu après le reste de l'effectif, compte tenu de sa participation au Tournoi de Toulon.
Il n'a jamais envisagé d'être prêté en National
Cet enchaînement de pépins physiques n'a pas été sans conséquence sur son rendement à l'entraînement. Mohamed Hafid est le premier à le reconnaître. "J'ai mis du temps à revenir à mon niveau de la saison passée. Je n'étais pas du tout à 100%. Je jouais strappé. Sur ce que je proposais lors des séances, je n'étais pas apte à prouver au coach que je méritais ma place dans le groupe". Au point de douter ? "Je ne me suis jamais inquiété. Je connais mes forces, mon potentiel et je sais que l'année dernière, j'ai franchi certaines étapes. Je ne vois pas de raisons pour lesquelles je ne continuerais pas sur ma lancée", annonce le Caennais qui possède une qualité rare dans ce milieu : la patience. "Dans le foot, les gens sont pressés. Dès que quelqu'un ne joue pas, on dit que sa saison est finie, dès qu'on ne marque pas, on est moins bon. On est énormément jugé à l'instant T. Moi, je vois sur le long terme".
"D'un point de vue personnel, le championnat commence maintenant"
Mohamed Hafid
Et s'il faut passer par la case N3, avec la « B », pour renouer avec des sensations, pas de problème. "Bien sûr, quand on a commencé à goûter à quelque chose (le monde « pro »), ce n'est pas toujours évident d'en être privé mais là, j'étais vraiment dans une logique de prépa, j'avais besoin de reprendre mes repères. Ça m'a paru normal de redescendre avec la réserve", témoigne celui qui a claqué deux buts en autant d'apparitions avec l'équipe de Nicolas Seube. En revanche, l'idée de faire l'objet d'un prêt, par exemple dans une écurie de National, ne lui a visiblement pas effleuré l'esprit. "Déjà, le club y était opposé. Je n'y voyais pas mon intérêt non plus. Je ne me suis jamais posé cette question", assure Mohamed Hafid sous contrat jusqu'en 2025.
Aujourd'hui, celui qui nous a été présenté par le président Olivier Pickeu comme une doublure potentielle de Bilal Brahimi le garantit, il se trouve sur une trajectoire ascendante. "Depuis un mois, je me sens mieux". D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si, sur les trois dernières sorties du SMC, il a été convoqué dans les « 18 », effectuant même sa première apparition en Ligue 2 à l'occasion du déplacement à Rodez, en entrant à la 82' (J10. défaite 5-3, le 7 octobre). Si cette rencontre s'est apparentée à un naufrage collectif pour les partenaires de Romain Thomas, Mohamed Hafid, lui, a été libéré d'un poids. "Franchement, ça m'a fait du bien", ne cache pas le Franco-marocain qui adopte un état d'esprit positif. "Même si je n'ai que cinq minutes, elles doivent me servir à prouver au coach que je mérite ma place, que je mérite plus de temps de jeu". Débarrassé de ses blessures, le n°22 des « Rouge et Bleu » est désormais impatient de se projeter sur la suite. "D'un point de vue personnel, le championnat commence maintenant".
› L2. J11 - SM Caen (11e - 13 points) / Auxerre (2e - 21 points), samedi 21 octobre à 15 heures au Stade Michel-d'Ornano.