Depuis 2018 et ce que les sympathisants de Jean-François Fortin avaient qualifié de « putsch » à l’époque, les différentes directions qui se sont succédées à la tête du Stade Malherbe ont toujours rejeté (une partie) de leur(s) échec(s) sur leurs prédécesseurs. La famille Mbappé n’échappe pas à cette règle. Une façon aussi de ne pas assumer pleinement ses responsabilités même si ce n’est peut-être pas totalement faux. Depuis le rachat du SMC l’été dernier (pour une somme estimée à environ 10 M€), les représentants du nouveau propriétaire laissent filtrer, sans l’étaler publiquement jusqu’à présent, qu’ils ont récupéré un club dans un état précaire, pour rester poli, découvrant quelques « cadavres dans les placards ». S’ils persistent dans cette communication sibylline, il faudra bien à un moment qu’ils expriment clairement le fond de leurs pensées, en développant un argumentaire plus détaillé. Ce qui est acquis en revanche, c’est que Coalition Capital, le fonds d’investissement du capitaine des Bleus, a « hérité » d’une structure dans le rouge financièrement et d’une équipe pas au meilleur de sa forme sportivement.
Un club dans le rouge financièrement
Il semble difficile à croire que la famille Mbappé ne connaissait pas la situation économique du Stade Malherbe avant de signer : en effet, elle a racheté un club qui affichait, la saison passée, un déficit structurel supérieur à 11 M€ (!) et une masse salariale dépassant les 16 M€ (!) pour un résultat net négatif frôlant les 8,5 M€ ! S’il convient de rappeler qu’Oaktree, l’ancien propriétaire, et Pierre-Antoine Capton (qui détient encore, à ce jour, 20% du capital) ont toujours fait face à leurs obligations devant la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion) ; aucune sanction n’ayant été prononcée, par exemple, par le gendarme financier du foot français au mois de juin 2024, on est en droit de se demander ce qu’il serait advenu du SMC sans l’arrivée d’un actionnaire aussi puissant financièrement que Kylian Mbappé ? Sachant que le fonds d’investissement américain avait clairement signifié, et depuis un certain temps, son intention de se désengager.
Dans une interview accordée à nos confrères d’Ouest France, début février, Ziad Hammoud confiait que le propriétaire qu’il représente avait déjà injecté 12 M€ dans les caisses « Rouge et Bleu » (une somme a ajouté au montant de l’achat initial). Depuis dix mois, il est vrai que les investissements dans les infrastructures (vestiaire, salle de musculation, salle de soins…), dans le personnel (cuisinier, analystes vidéo, éducateurs…) et dans l’effectif ont été conséquents. Et pas toujours à propos compte tenu du rendement des cinq éléments engagés au mercato d’hiver. Maintenant, sauver un club économiquement ne justifie pas de le saborder sportivement. Ce constat vaut pour aujourd’hui comme hier.
Sauver un club économiquement ne justifie pas de le saborder sportivement
Surtout que le Stade Malherbe est loin de se trouver à l’équilibre sur le plan économique. Pour cet exercice 2024-2025, il affichera de nouveau des pertes. De quelle ampleur ? Si la balance des transferts présente, selon le site spécialisé Transfermarket, un excédent de 9,3 M€*, ses droits TV vont être divisés par trois avec la baisse drastique du contrat national (de 4,8 M€ la saison dernière à une fourchette comprise entre 1,5 et 2 M€ cette année). Par ailleurs, il est fort à parier, qu’au regard du recrutement opéré depuis le changement d’actionnaire (Yann M’Vila, Lorenzo Rajot + le mercato d’hiver), que la masse salariale n'a pas spécialement baissé. Et avec les investissements cités plus haut, la facture risque encore d’être salée. Coalition Capital va être contraint de remettre la main à la poche. Sans parler du prochain exercice en National avec des revenus annoncés tous en diminution (avec une aide à la relégation inférieure à 1 M€ et zéro droits tv) même si la quinzaine de joueurs sur le départ (fins de contrat, retours de prêt, clause de résiliation) devrait permettre de repartir sur des bases plus saines. En tout cas, espérons-le.
*4 M€ pour Andréas Hountondji à Burnley, 2,70 M€ pour Norman Bassette à Coventry, 1 M€ pour Tidiam Gomis à Leipzig, 800 000 € pour Hugo Vandermersch à Saint-Gall, 500 000 € pour Ali Abdi à Nice. Ces montants ne tiennent pas compte d'éventuels bonus ou de pourcentages sur une future revente.

Depuis que Stéphane Moulin a tenu responsable Olivier Pickeu de la fin prématurée de son aventure caennaise, on a l'impression que le Stade Malherbe est emporté par une tempête sans fin. ©Damien Deslandes
Divorce Moulin - Pickeu : le début d’une tornade qui a tout emporté sur son passage
Au niveau sportif, le clan Mbappé n’a pas non plus récupéré une Ferrari avec ce Stade Malherbe version 2024-2025. Bon de là à envisager une relégation en National dix mois plus tard, il y a un… fossé que personne n’aurait jamais imaginé franchir. Mais la 6e place décrochée la saison passée par le collectif « Rouge et Bleu » a sans doute agi en trompe-l’œil. La magnifique remontée au classement opérée sous la houlette de Nicolas Seube ne reflétait pas exactement le potentiel de cette équipe, partie de la 16e position, surtout après le départ d’Ali Abdi qui n’a pas été compensé (neuf buts et une passe décisive rien que lors de l’exercice précédent). Il ne faut pas oublier qu’auparavant, les partenaires de Romain Thomas avaient enchaîné 11 matchs consécutifs sans victoire ! Une série qui avait, d’ailleurs, coûté son poste au coach Jean-Marc Furlan.
Les dirigeants du SMC s'enferment dans un mutisme désarmant depuis une semaine
Quel est le point de départ de la descente aux enfers footballistique du SMC ? A cette question, chaque supporter « Rouge et Bleu » a son avis. Certains l’attribuent à la sortie, contrainte et forcée, de Jean-François Fortin mentionnée un peu plus haut et son remplacement par Gilles Sergent. Pour d’autres, bien qu’ils soient minoritaires, il est encore antérieur à cet évènement. Selon une partie du public de d’Ornano, la nomination d’Olivier Pickeu a marqué le début des ennuis caennais. Du côté de notre rédaction, on a identifié une date différente : celle du divorce entre Stéphane Moulin et Olivier Pickeu. Depuis que le technicien a pointé du doigt son ex-président comme responsable de la fin prématurée de son aventure malherbiste au cœur de l’exercice 2022-2023, on a l’impression que le club normand est emporté par une tornade dévastatrice que chaque décision prise par ses dirigeants, peu importe ceux en place, ne contribue qu’à renforcer un peu plus : le choix de Jean-Marc Furlan, le rachat par Kylian Mbappé, l’arrivée de Ziad Hammoud à la présidence… Et on ne parle même pas des mercatos successifs sur cette période où les motifs de satisfaction se comptent sur les doigts d’une seule main. Il n’y a que le passage sur le banc « Rouge et Bleu » de l’enfant chéri du peuple caennais, Nicolas Seube, pendant un an (décembre 2023-décembre 2024), qui a offert un semblant d’accalmie. Mais derrière, la tempête s’est intensifiée de plus belle, soufflant tout sur son chemin, jusqu’à cette relégation en National.
Comment le SMC va-t-il se relever ? Actuellement, personne n’a la réponse, peut-être même pas son board. Un Etat-major qui s’enferme depuis une semaine dans un mutisme désarmant, y compris Pierre-Antoine Capton, dont le silence depuis plusieurs mois devient assourdissant pour de nombreux fans malherbistes. Présenté, à notre avis, à juste titre, comme le sauveur économique du club caennais en 2021 quand il avait ramené dans ses bagages Oaktree, le producteur de TV trouvillais, caution locale du précédent modèle d’actionnariat, s’est fait beaucoup plus discret cette saison quand le sujet du SMC a été posé sur la table. Pas certain qu’il partage toutes les décisions de la famille Mbappé, du président Ziad Hammoud et de ses collaborateurs. Contacté, il nous a répondu par message qu’il lui était "difficile de réagir à chaud", compte tenu du fait qu’il n'était "plus aux commandes", et que "tout ce qu’il pourrait dire n’aidera en rien la situation actuelle". Si ces déclarations ne sont peut-être pas dénuées de bon sens, pas sûr qu’elles réchauffent le cœur des supporters « Rouge et Bleu ».
Pierre-Antoine Capton et Coalition Capital, représenté ici par Ziad Hammoud, partagent-ils toujours la même vision à propos du Stade Malherbe ? ©Damien Deslandes
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