Sur cette question, il n'a pas cherché à tourner autour du pot. "On ne va pas se mentir, elles sont dans le rouge", lâche Ziad Hammoud à propos des finances du Stade Malherbe. En même temps, il serait difficile d'affirmer le contraire. La saison dernière, le déficit structurel a dépassé la barre des 11 M€ ! "On est dans ces eaux-là", confirme le nouveau président du club caennais. On comprend mieux pourquoi la maison « Rouge et Bleu » a affiché un résultat net négatif de 4,5 M€ au 30 juin 2024. Pour rappel, cette situation a contraint les actionnaires en poste à l'époque, le fonds d'investissement Oaktree et Pierre-Antoine Capton (le producteur de TV Trouvillais est toujours en place en ayant conservé ses 20% aux côtés de Kylian Mbappé), à procéder à une augmentation de capital de 5 M€ pour franchir l'obstacle de la DNCG(1). Problème, la tendance n'est pas à l'amélioration.
Selon certaines sources, et compte tenu de la forte baisse des droits TV (de 4,87 M€ en 2023, le SMC ne percevra qu'une somme comprise entre 1,5 et 2 M€ pour l'exercice 2024-2025), cette différence entre les revenus et les dépenses du club hors balance des transferts pourrait même frôler les 15 M€ à la fin de cette saison. Un chiffre totalement vertigineux pour un pensionnaire de Ligue 2, quand bien même la France du foot traverse une crise économique majeure. Heureusement, dans le même temps, le Stade Malherbe a cédé quelques « actifs ». Les transferts cumulés d'Andreas Hountondji, Norman Bassette, Hugo Vandermersch, Moussa Sylla et Samuel Essende auraient rapporté plus de 9 M€(2), sans compter d'éventuels bonus et des pourcentages sur des futures ventes. Cette somme va largement contribuer à boucher une partie du trou sachant que dans le même temps, les recrutements cet été de Yann M'Vila, Lorenzo Rajot, Quentin Lecoeuche, Kalifa Coulibaly et Umaro Candé n'ont rien coûté ; tous ces joueurs s'étant engagés libres.
"la masse salariale ? Je ne préfère pas en parler car je n'ai pas de réponse à vous apporter"
Ziad Hammoud
Toutefois, ce modèle économique n'est pas viable. "Si vous échangez avec n'importe quel chef d'entreprise et que vous lui présentez un mode défaut avec plusieurs millions de pertes, ça ne tient pas la route". D'autant plus que la cession d'un ou plusieurs membres de l'effectif ne rapportera pas tous les ans plusieurs millions d'euros au club normand, surtout en deuxième division. Ce contexte, dont ils ont hérité, les représentants de Kylian Mbappé en sont pleinement conscients. A l'image d'Oaktree, leurs prédécesseurs, ils devraient être amenés, au moins dans un premier temps, à garantir les pertes du SMC auprès de la DNCG. "C’est le travail d’un actionnaire", répond Ziad Hammoud qui en appelle à "un rééquilibrage du budget et à une réduction du déficit structurel". Plus facile à dire qu'à faire. L'une des premières pistes pourrait consister à diminuer la masse salariale. En 2022-2023, elle se portait à 14,7 M€ (!), soit quasiment l'équivalent de l'ensemble des recettes hors transferts du club. Un non-sens sur le plan financier. Mais à ce sujet, le président du SMC passe son tour. "Je ne préfère pas en parler car je n'ai pas de réponse à vous apporter".
"On a des projets ambitieux dans les prochains mois qui demanderont des investissements non-négligeables"
Ziad Hammoud
Mais alors qu'on pourrait pu s'attendre à l'annonce d'une cure d'austérité afin de réaliser des économies, le dirigeant caennais prend le contre-pied. "On a des projets ambitieux dans les prochains mois qui demanderont des investissements non-négligeables", prévient-il. Preuve visiblement d'une vision à long terme. Aucun secteur n'y échappera : le commercial, le merchandising, les ressources humaines (trois ans après un PSE qui a vu plus d'un tiers des salariés en CDI perdre leur emploi, plusieurs salariés ont rejoint le SMC ou s'apprêtent à le faire dans différentes branches dont Laurent Lesgent et deux analystes vidéo à la formation, un cuisinier pour les « pros »)... Les infrastructures se trouvent aussi au cœur de cette vaste vague d'investissements alors que le Stade d'Ornano, propriété de la Ville mais dont l'exploitation est à la charge du club, aurait bien besoin, par certains aspects (éclairage, gestion des fluides, rénovation des salons), d'une deuxième jeunesse. Les vestiaires d'entraînement des « pros » devraient être aussi rénovés.
Autant de changements, sportifs et hors sportif, qui doivent permettre à terme de générer des revenus supplémentaires à en croire Ziad Hammoud qui table également sur l'arrivée de nouveaux partenaires (l'équipementier Nike, qui est aussi celui de Kylian Mbappé, est souvent cité pour les saisons à venir en remplacement de Kappa). Mais le domaine dans lequel le nouvel actionnaire principal devrait injecter le plus de liquidités est la formation. "La vocation du centre est de sortir un maximum de joueurs qui apporteront de la valeur au club", développe le président du Stade Malherbe. Et les dirigeants normands assurent qu'ils se donneront les moyens (financiers) de leurs ambitions. A la question de savoir si le club mettra la main au portefeuille pour se positionner sur des jeunes éléments à potentiel (on pense forcément à ceux issus de la région parisienne), la réponse est limpide : "Oui". Avec de tels propos, les supporters des « Rouge et Bleu » vont être curieux de découvrir les futures générations de petits caennais.
(1)La DNCG (Direction nationale de contrôle et de gestion) a validé, ce mercredi, le changement d'actionnaire majoritaire du SM Caen. "Aucune absence de mesure prise à l'égard du club", peut-on lire sur le communiqué du gendarme financier du football français.
(2)Andreas Hountondji (4M€ + 1M€ de bonus à Burnley, ANG, D2), Norman Bassette (2,5-3 M€ + un pourcentage sur une prochaine vente, Coventry, ANG, D2), Hugo Vandermersch (800 000 €, Saint-Gall, SUI), Moussa Sylla (300 000 €, Pau, D2), Samuel Essende (1,5 M€, Vizela, POR). Il ne s'agit que d'estimations, aucun montant n'a été confirmé.