Comment sont déterminés les effectifs de police les soirs de match ?
La semaine précédente chaque match organisé par la Ligue de football professionnel (LFP), une réunion se tient entre les services de l'Etat, la police et les responsables sécurité des deux clubs. Les rencontres sont catégorisées avec ou sans risques. A partir de cette classification est déterminé le nombre d'agents des forces de l'ordre mobilisés. Si les différentes parties dialoguent, la décision finale revient aux préfectures. Une présence policière indispensable aux yeux d'Arnaud Tanguy, le directeur général du Stade Malherbe : "C'est obligatoire. Il ne faut pas perdre de vue que sur un match à d'Ornano, tu as des milliers de personnes qui affluent au même endroit. Depuis quatre-cinq ans, on vit dans un contexte sécuritaire (conséquence des menaces d'attentat dans notre pays). C'est la sécurité avant tout qui prime".
Quelles répercussions financières pour les clubs ?
Ces multiples reports ne sont pas sans impacts sur les finances des clubs. Pour le Stade Malherbe qui possède un public régional, les affluences sont forcément moindres en semaine. "Avec ces incertitudes sur la programmation, les gens hésitent à acheter des places", indique Arnaud Tanguy. Ce n'est pas un hasard si la réception du Téfécé, qui s'est déroulée un mardi soir avec un coup d'envoi à 19 h 30, n'a attiré que 13 989 spectateurs ; soit le pire taux de remplissage de la saison. Et encore, cette donnée ne correspond qu'au nombre de billets vendus et non à celui des personnes présentes à d'Ornano.
"En général, on tourne à 15% de no show pour un match (personne se procurant une place, abonnement ou à l'unité, ne venant pas au stade). Pour les rencontres décalées (suite aux « Gilets Jaunes »), on double ce pourcentage". A titre d'exemple, le taux de no show contre l'OM n'était que de 8% (un dimanche après-midi à 17 heures). Au fur et à mesure que la grogne des supporters, privés de leur rendez-vous footballistique hebdomadaire, augmente, l'image des clubs en pâtit aussi. Si les places, qui ne sont pas nominatives, peuvent être cédées à un tiers, elles ne sont pas remboursables.
Et sur le plan sportif ?
"Ce sont des événements que l'on ne maîtrise pas. Il y a des choses plus graves dans la vie". Confronté à la reprogrammation de quatre des rencontres de sa formation (Toulouse, Lille, Nantes et Strasbourg la dernière en date), Fabien Mercadal restait philosophe. "De toute façon, tu veux hausser le ton contre qui", lançait Arnaud Tanguy. D'autres acteurs de Ligue 1 se montraient plus véhéments. "Ce championnat ne veut plus rien dire", s'insurgeait Laurent Boissier, le directeur sportif de Nîmes, dans des propos relayés par L'Equipe.
"Par rapport au classement, il y a un problème d'équité", surenchérissait Christophe Pélissier, le coach d'Amiens. Pour Michel Der Zakarian, dont l'équipe de Montpellier a été contrainte au chômage technique durant trois semaines en décembre, "ces reports de matches ont brisé notre dynamique de résultats (trois nuls et une défaite après cette pause forcée)". "Il n'existe pas d'uniformisation dans les décisions qui sont prises", regrettait, de son côté, Stéphane Moulin, l'entraîneur angevin.
A quand de nouveau match un samedi soir à d'Ornano ?
"C'est la grande question. Honnêtement, je ne sais pas. Si les « Gilets Jaunes » durent jusqu'aux Européennes (le 26 mai soit au lendemain de la dernière journée de L1)…". Alors que trois rencontres à domicile du Stade Malherbe fixées initialement au samedi soir ont déjà été reprogrammées, au moment où nous écrivions ces lignes, Arnaud Tanguy ne connaissait pas la réponse à cette question. "La préfecture nous informe que les forces de l'ordre ne sont pas suffisantes pour assurer la sécurité sur la voie publique en cas de débordement", précise le directeur général du club normand.
D'ailleurs, quand une rixe a éclaté entre « supporters » sur l'esplanade de d'Ornano après la confrontation face à Marseille (J21. le 20 janvier), ce sont les compagnies de sécurité privée, employées par le SMC pour travailler à l'intérieur de l'enceinte caennaise, qui ont été obligées d'intervenir. Une affiche que la préfecture du Calvados aurait, d'ailleurs, souhaité décaler au lundi ! "Pour nos derniers matches à domicile, la préfecture nous a indiqué que le samedi était exclu et le dimanche, déconseillé".
Quelles solutions ?
C'est simple, il ne semble pas en exister. Tant que les « Gilets Jaunes » continueront à manifester, mobilisant massivement les forces de l'ordre (méritant bien, qui plus est, de bénéficier de quelques jours de repos), il sera compliqué, voire impossible, dans certaines villes comme à Caen d'organiser des matches de Ligue 1 le samedi. Dans ce contexte, certains protagonistes du championnat préconisent de reporter l'intégralité des journées au dimanche, moins perturbé par les mouvements sociaux.
Encore faut-il obtenir l'accord des diffuseurs TV, victimes collatérales dans cette histoire ? "Est-ce que c'est à Canal + et à beIN Sports de régler cette problématique ?", s'interroge Arnaud Tanguy. "Pas forcément. La Ligue reste la pierre angulaire entre toutes les parties : les clubs, les diffuseurs, les préfectures. Si les matches doivent être repoussés au dimanche, c'est à la LFP de le décider". Sous réserve de l'aval des services de l'Etat.
Les clubs de Ligue 1 les plus impactés par les reports des matches liés aux « Gilets jaunes »
> 5 matches reportés : Angers, Bordeaux, Nantes
> 4 matches reportés : SM Caen, Toulouse
> 3 matches reportés : Dijon, Guingamp, Montpellier, Nîmes
> 2 matches reportés : Amiens, Marseille, Nice, Paris SG, Saint-Etienne
> 1 match reporté : Lyon, Monaco, Rennes, Nice