L'une est propulsée à toute vitesse vers la Ligue 2, l'autre commence à se demander si elle sera toujours en National dans trois mois. À n'en point douter, Quevilly-Rouen et l'US Avranches vivent une saison diamétralement opposée. Et pourtant, en octobre, les Manchois l'avaient largement emporté 4-1 et s'étaient, ce jour-là, emparés des commandes du championnat devant les Seinomarins. Aujourd'hui, si QRM est toujours solidement ancré aux avant-postes, Avranches a lourdement chuté, au point d'aborder ce déplacement à Diochon en position de 15e et premier relégable. "Dans les deux surfaces, on n'est pas assez tueur, on prend aussi des cartons rouges, deux sur les quatre dernières rencontres", observe le milieu manchois Pierre Magnon. "Les détails des matches ne vont pas dans notre sens, ça explique aussi notre situation actuelle". "La réussite est un critère fort dans le football", le rejoint son entraîneur Fred Reculeau. "Alors oui, on fait des erreurs, on ne se cache pas mais on n'est pas en réussite. On n'est pas vraiment dépassés par nos adversaires, ce qui n'empêche qu'il faut en faire plus dans l'état d'esprit".
Bruno Irles, Coach de QRM
Comme un symbole, le dernier match respectif des deux équipes normandes les place là aussi en totale opposition. En passe de réussir une grande opération chez la lanterne rouge Annecy samedi, Avranches a été brutalement renversé aux 89' et 90' (revers 3-2). Plongés dans le doute à Orléans lundi, les joueurs de QRM sont pour leur part revenus d'un incommodant 3-1 à un improbable 3-4. "On a fait un gros coup", juge l'attaquant Yassine Bahassa. "Le seul défaut, c’est qu’on était restés dans la continuité du match contre Concarneau (défaite 1-0 à Diochon). Le groupe a prouvé qu'il avait une grosse force de caractère".
Cette capacité de réaction qu'il manque certainement parfois à l'US Avranches, le coach de QRM Bruno Irles se félicite de l'avoir vue jaillir de la sorte au sein de son groupe. "Après Orléans, j'ai dit que ça allait être compliqué de venir nous chercher", explique l'ancien Monégasque. "J'ai dit ça par rapport à l'état d'esprit de mes joueurs, j'ai été surpris de les voir réagir comme ils l'ont fait. Menés 3-1, je n'ai pas eu besoin de les remonter et cette force dégagée par l'équipe me fait dire qu'ils ne vont pas sombrer". En l'état, l'US Avranches ne s'avance toutefois à Diochon ni avec le moral dans les crampons ni décimée psychologiquement. "Ça va relativement bien en fait", reconnaît Fred Reculeau. "Le retour d'Annecy a été compliqué et le cumul de nos matches actuels est difficile mais la vérité c'est qu'on n'a pas la tête dans le sceau. Je pourrais dire que l'équipe est touchée, que c'est dur mais ce n'est pas le cas. On reste ambitieux en restant très humble par rapport à la situation. On garde de l'ambition vis-à-vis de nos forces et dans notre souhait de nous battre. Mes joueurs sont dans le dur mais ils ne sont pas touchés !"
Un vrai faux « derby » décisif ?
Quoi qu'en disent les acteurs d'Avranches, leur fin de saison devrait être placée sous le signe du maintien. Côté QRM, la montée reste bien sûr d'actualité et si Bruno Irles esquisse en filigrane que son équipe a fait un pas important vers la Ligue 2, la prudence reste globalement de mise au sein de son groupe. "Forcément, après chaque match, on se dit qu’on se rapproche", avance du bout des lèvres Yassine Bahassa après avoir cherché la bonne formulation. "On ne va pas se projeter, ça peut aller très vite dans le football. On garde notre avance mais on préfère rester humbles. Gardons les pieds sur terre". Pour l'ex-Avranchinais, qui a gardé bien des amis dans la Manche, ce nouveau duel s'annonce évidemment spécial. "Ça m'embête que le club soit dans cette situation", regrette-t-il. "Je commence toutefois à avoir l'habitude d'affronter des amis et quand le match démarre, je fais toujours abstraction". Si la rencontre aura une saveur particulière pour le joueur de 28 ans, le duel entre les deux pensionnaires normands de N1 est-il seulement un rendez-vous à part pour les clubs ? "Affronter Avranches, ça ne me parle pas mais ça parle à ma direction", répond Bruno Irles. "Un peu comme quand on a joué l'autre équipe de Rouen, ils me font passer le message que c'est un rendez-vous important. Pour les gens ici, c'est un match qui compte".
Fred Reculeau, coach d'avranches
Alors que la suprématie normande sur la Ligue 2 a offert un statu quo cette saison entre Caen et Le Havre, le deuxième « derby » régional de la semaine, le troisième de la saison entre QRM et l'USAMSM, peut offrir l'avantage à une formation sur l'autre. "La Coupe de France contre Avranches, c'était une autre histoire", clame Bruno Irles. "Là, on a un match retour et on a en souvenir la claque prise là-bas, la plus grosse pour nous cette saison. On souhaite entretenir notre dynamique contre cette équipe même si elle va moins bien en ce moment. Sur leurs principes de jeu, ils avaient mérité leur victoire en octobre. Cependant, ce sera plus difficile pour eux cette fois car on a à cœur de montrer notre meilleur visage dans ce derby normand".
Qu'on parle de « derby » ou non et que l'adversaire soit la lanterne rouge Annecy ou tout à coup le leader QRM, Pierre Magnon s'en moque quelque peu. "Sur le papier, c’est un match différent. On est sur une mauvaise série et on doit aborder les choses match après match. L'idée pour nous, c'est de vite se ressouder et de passer à autre chose". Sur une série de six journées sans victoire depuis son revers en Coupe de France à Diochon, l'US Avranches devra se rappeler qu'elle avait su réagir en déplacement à Boulogne (succès 1-0), mi-décembre, pour mettre fin à sa précédente crise de résultats. "Il faut stopper l'hémorragie, cette spirale négative et on sait que ce sera compliqué face au premier qui enchaîne les bons résultats", glisse Fred Reculeau. "On les a battus une fois, on sait qu'on n'était pas loin la deuxième, on a envie de se dire qu'on a moyen de rivaliser avec une formation du haut de tableau. On a le potentiel pour en tout cas, c'est une certitude". Et si QRM part logiquement avec la faveur des pronostics, Avranches n'oublie pas qu'à l'image du succès du SC Lyon face à Bastia ou du récent revers quevillais contre Concarneau, tout est toujours possible dans le championnat le plus homogène de France.
> N1. J26 - Quevilly Rouen Métropole (1e - 49 points) / US Avranches (15e - 28 points), vendredi 19 mars à 18 heures au Stade Robert-Diochon.
Fred Reculeau comprend la réaction de son président
Déboussolé face à l'effondrement de son équipe à Annecy, le président Gilbert Guérin a exprimé toute sa déception dans les colonnes de nos confrères de Ouest-France. S'il a alors renouvelé sa confiance en son entraîneur Fred Reculeau, le dirigeant manchois a toutefois glissé que des mises au point s'imposeraient au sein de l'équipe pour le sprint final. Qu'en est-il en substance ? "Le président est dans son rôle, il est dans une période de doutes que je comprends", explique le technicien manchois. "On s'est rencontré en début de semaine, il voulait savoir si j'avais toujours la volonté de poursuivre le projet. Ça m'a un peu surpris mais je l'ai vite rassuré en lui répondant que j'avais tout sauf envie d'arrêter. Je suis plus motivé que jamais et je sens les garçons complètement investis dans l'idée de faire mieux".
S'il appelait de ses vœux un changement de posture voire de système pour aborder l'opération maintien, l'historique président manchois sera-t-il entendu par son coach et ses préceptes de jeu bien définis ? La suspension de Samuel Essende, exclu à Annecy, pourrait quoi qu'il en soit l'amener naturellement à repenser au moins son animation offensive. Sans n°9 de métier à disposition, Fred Reculeau sera peut-être amené à offrir une disposition inédite afin de bousculer et pourquoi pas faire tomber l'ogre QRM ce vendredi.
Aurélien RENAULT