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Aimé Jacquet, Jean Tigana, Raymond Domenech... Michel Audrain raconte « ses » Girondins de Bordeaux

Ex-joueur des Girondins de Bordeaux où il a passé trois saisons dans les années 1980, Michel Audrain va retrouver son ancien club avec l'US Avranches ce week-end, en National 2. ©Damien Deslandes

Ex-joueur des Girondins de Bordeaux où il a passé trois saisons dans les années 1980, Michel Audrain va retrouver son ancien club avec l'US Avranches ce week-end, en National 2. ©Damien Deslandes

Michel, vous avez champion de France avec Bordeaux en 1984 et 1985, quels souvenirs gardez-vous de vos années girondines ?

"Dans ma carrière de joueur et d'entraîneur, ce sont mes meilleures années. J'ai passé trois saisons à Bordeaux, alors que j’avais 20 ans, je venais de quitter Angers. Je crois que c'était mon premier contrat professionnel, j'étais stagiaire pro et je suis parti dans les bonnes années. Peut-être pas les meilleures parce qu'il y a eu plusieurs décennies quand même où le club a été brillant mais c'étaient vraiment de bonnes années parce qu’il y avait Aimé Jacquet comme entraîneur". 

Il y avait non seulement le futur sélectionneur champion du monde 1998 avec les Bleus, mais aussi un paquet de grands joueurs dans cet effectif...

"En fait, j'ai appris mon métier de joueur avec Bernard Michéléna comme préparateur physique et adjoint d'Aimé Jacquet et puis toute la panoplie de joueurs internationaux comme Jean Tigana, Alain Giresse, Bernard Lacombe, Léonard Specht, François Bracci, même si je ne sais plus s'il était international. Il y avait bien sûr Marius Trésor, René Girard. Il y avait même Raymond Domenech, j’ai joué une année avec lui. Je ne dirais pas que c'était le Paris Saint-Germain d'aujourd'hui car peu d'équipes égaleront le PSG avec le Qatar, mais à l'époque, c'est vrai qu'il y avait une sacrée équipe avec laquelle on a aussi joué la Coupe d'Europe des Clubs Champions (l'ancêtre de la Ligue des Champions)".

"A l'époque, il y avait une sacrée équipe avec laquelle on a joué la Coupe d'Europe des Clubs Champions"

Qu'est-ce qu'on ressent quand on évolue dans un club de cette dimension, avec autant de grands joueurs, à un si jeune âge ?

"Sur les trois saisons, je n’ai pas été titulaire malheureusement parce que l'attaque était composée de Dieter Müller et de Bernard Lacombe. Donc ça a été difficile pour moi, mais j'ai quand même fait entre 15 et 20 matches par saison à peu près*. C'était pour moi quelque chose de merveilleux parce que c'est vrai qu'à l'époque, il n'y avait pas beaucoup de jeunes qui jouaient. Ça a été une expérience très très riche et qui m'a fait progresser".

*En 1982-1983, 24 apparitions toutes compétitions confondues dont 22 en championnat pour 3 buts. En 1983-1984, 11 apparitions toutes compétitions confondues dont neuf en championnat pour un but. En 1984-1985, 24 apparitions toutes compétitions confondues dont 20 en championnat pour quatre buts.

Pourquoi n'avez-vous pas rempilé pour une quatrième saison ?

"Justement, mon regret, c’est d'avoir quitté trop tôt les Girondins de Bordeaux, mais j'étais jeune et je manquais un peu de temps de jeu. J’étais international espoir donc j’avais aussi des ambitions. Non pas qu’Aimé Jacquet ou le club ne me proposaient rien du tout, c'est l'inverse même puisque je pouvais resigner. J’ai refusé la proposition de Didier Couécou qui était le directeur sportif à l'époque. Aimé m'avait pourtant dit : « Prends patience, prends patience ». Aimé Jacquet incarnait toujours la sagesse. Je suis cependant parti à Marseille. Quand tu es jeune, tu n’écoutes pas forcément les entraîneurs et c’était mon choix. J’aurais dû écouter Aimé, c’est comme ça, c’est la vie, je ne regrette pas du tout parce qu’après, j’ai fait ma carrière de joueur".

Quel rôle a tenu Aimé Jacquet auprès de l'homme et l'entraîneur que vous êtes devenu ?

"Aimé Jacquet et Michel Le Milinaire m'ont donné envie d'entraîner et de transmettre"

"Malgré le fait que je n'étais pas forcément titulaire à ses yeux, mes relations avec lui étaient toujours bonnes. Il me parlait souvent, c'était toujours des mots d’encouragement, des mots de sagesse. J'étais jeune, j'avais peut-être aussi l’envie et l’empressement de jouer, mais je voyais bien que c'était compliqué. Avec le recul, je réalise qu'il a fait partie de ces entraîneurs qui m'ont donné envie de continuer dans cette voie-là. Je pense qu'il y a deux entraîneurs avec qui j'ai vraiment discuté et sympathisé, c'est Michel Le Milinaire (à Laval), qui est décédé aujourd'hui, et Aimé. Je pense que ce sont les deux entraîneurs sur qui j'ai pu m'appuyer pour, après ma carrière de joueur, avoir cette envie d’entraîner et de transmettre".

On ne résiste pas à l'envie de vous demander comme était-ce d'évoluer aux côtés de Raymond Domenech...

"Raymond, j’ai presque fait chambre commune avec lui. C'était quelqu'un de discret, mais il lançait des piques tout le temps, il était très intelligent. Je me souviens qu'il pouvait être dans la provocation, mais toujours avec de l'humour. Il était pinçant, et nous les jeunes, on était toujours un petit peu sur le recul avec Raymond. Autrement, je pense à Gigi (Alain Giresse), quelle gentillesse ! De chacun des joueurs, j'ai gardé à peu près des bons messages. Avec Jean Tigana, ce n’était pas facile au début parce que lui, c'était la compétition ; c'était un état d'esprit exceptionnel, une rigueur exceptionnelle, une exigence exceptionnelle. Il n'avait pas le talent que pouvait avoir Bernard ou Gigi, mais par contre, il était doté d'un caractère exceptionnel. C'est pour ça qu'il a réussi, et après, le talent est venu par le travail".

Bordeaux est au cœur d'une période délicate avec ses problèmes financiers, sa relégation administrative jusqu'en National 2 et l'incertitude qui plane sur son avenir à court terme. Comment vit-on de voir son ancien club dans une telle situation ?

"Pour moi, ça a été terrible. Je m'entendais vraiment bien avec tout le monde à Bordeaux, à l’époque. Après, on s'est perdu de vue, mais on a toujours entretenu des contacts au travers des gens que l'on rencontrait. Et en plus, moi, quand j'ai pris le rôle d'entraîneur, j'allais à Bordeaux jouer, notamment quand j’étais adjoint à Rennes ou à Lyon, donc on avait toujours cette connexion avec des Bordelais. Il y avait toujours des relations, et c'est terrible de voir un club comme ça, parce que c'est quand même un club mythique qui a gagné des Coupes de France, des titres. Il est aujourd'hui en National 2, et encore, il a une chance énorme de ne pas repartir de plus bas. Je pense qu'il a été aidé par le patrimoine de Bordeaux et surtout la richesse qu'il a pu donner au football".

Que pouvez-vous souhaiter aux Girondins ?

"J'espère qu'ils vont monter, que ce soit cette année ou plutôt dans deux ans, parce qu'on fait le même championnat. Mais c'est vrai que ça a été un déchirement quand même. C’est un club mythique, et puis surtout quand on pense aussi aux salariés qui ont dû quitter le navire, ce n’est pas simple pour eux (un PSE vient d'être annoncé concernant 82 salariés). Tous les jeunes du centre de formation, on oublie tout ça. Certains ont pu retrouver quelque chose, mais d'autres n'ont certainement pas pu, parce que c'est dur aussi maintenant d'avoir un contrat dans des clubs professionnels. Ce n’est pas simple, surtout à l'époque où c’est arrivé". 

"Jouer au Matmut, contre Bordeaux ? Ça va me faire chaud au cœur (...) Je vais vraiment être dans la peau du n°1"

Est-ce que ce n’est pas étrange de vous dire que vous êtes à la tête de l’US Avranches et que vous vous déplacez ce week-end pour jouer un match devant le public bordelais, mais en National 2 ?

"Je me suis rendu quatre ou cinq fois au Matmut (Atlantique) pour affronter Bordeaux. Mais quand on est n°1, c'est différent, on n’a pas le même rendu du match. En plus, ça va faire du bruit aussi. Ça va me faire chaud au cœur, certainement, parce que là, je vais vraiment être dans la peau du n°1. Même si ce n’est pas le niveau de la Ligue 1 ou de la Ligue 2 et que c’est le National 2, c’est quand même l’équipe première. Je vais rencontrer Bruno Irlès que je connais bien aussi. On s’attend à un match compliqué, parce que je pense que l'équipe de Bordeaux s’améliore".

Est-ce qu'il faut préparer spécialement vos joueurs à l'environnement hors du commun qui les attend samedi ?

"Les 12 000 personnes qui seront dans le stade, ça peut jouer contre les plus petites équipes qui se déplacent. Elles peuvent être un peu tétanisées dans cette ambiance-là. Moi, ça ne me dérange pas, et pour ce qui est de mes joueurs, il y en a certains qui ont joué chez les professionnels comme Jessy Pi, Emeric Dudouit, Aurélien Tertereau, ils ont joué en Ligue 2, donc ça ne va pas les gêner. Mais pour les plus jeunes, ça peut peut-être les rendre un petit peu moins performants, même ça reste un match de football. Ça reste un match de championnat de National 2, il y aura certainement une émulation pour les deux équipes".

La bonne nouvelle, c'est que votre équipe s'améliore aussi et qu'à défaut de gagner tous les matches, elle a pris l'habitude de très peu perdre !

"Après Châteaubriant, on aura dix matches, soit un tiers du championnat, on verra si on peut augmenter le curseur des objectifs"

"C'est ce que j'ai dit aux gars. On n’a pas perdu depuis cinq matches, on essaie de jouer au foot. Ce n’est pas évident en National 2, parce que ce sont beaucoup de combats, beaucoup de duels. Il y a des bons joueurs partout, les équipes sont très homogènes. C’est un championnat très difficile, tu peux gagner et perdre contre n'importe quelle équipe. C’est pour ça que ça va être un championnat très long. Tout le monde pense que le fait qu'on soit descendu, c'est la remontée obligatoire. Je pense qu'il faut déjà qu'on arrive à se maintenir assez vite pour qu'on puisse jouer quelque chose de plus honorable après. Maintenant, la première place, ça va être difficile, parce que Saint-Malo a pris une bonne distance (huit points d'avance sur l'USAMSM avant cette 8e journée)".

Vos joueurs vous ont-ils rassuré depuis l'entame de la saison ? Sont-ils prêts pour le défi bordelais selon vous ?

"Bien sûr et ce n’est pas que j’étais trop inquiet, je l’ai été parce que c'est vrai qu'à un moment donné il nous a manqué plein de choses. Mais je pense que, là, depuis quelques semaines, on travaille bien à l'entraînement, les joueurs sont à l'écoute. Le fait de ne pas avoir perdu depuis presque un petit mois permet aussi de retrouver une certaine confiance, un certain équilibre et puis d’avancer. Aujourd’hui, le championnat, il est là. Là, on va aller à Bordeaux et après, on va recevoir deux fois de suite. J'ai dit aux joueurs qu'après Châteaubriant, on aura dix matches, soit un tiers de championnat, je ferai donc un bilan avec eux et on verra si on peut ou non augmenter le curseur des objectifs".

> N2. J8 - Bordeaux (14e - 6 points) / US Avranches (6e - 9 points), samedi 19 octobre à 18 heures au Matmut Atlantique.

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