A un niveau où les clubs sont contraints de renouveler les trois quarts de leur effectif chaque été, il ferait presque figure d’extraterrestre. Pour la dixième saison de rang, Charles Boateng (31 ans) défend les couleurs de l’US Avranches ! "C’est la vie, le temps passe à une vitesse", commente le principal intéressé. "Il n’est pas originaire du coin. En général, il faut être un local pour rester aussi longtemps dans une équipe", s’étonne presque le président Gilbert Guérin. Pas certain qu’en posant ses valises dans le sud-Manche au début de l’année 2012, le Ghanéen pensait qu’il y serait toujours une décennie plus tard.
"Surtout qu’à ce moment-là, le club était en N2. Forcément, tous les joueurs aspirent à évoluer au plus haut niveau possible. Et j’avais déjà connu la Ligue 2 et le National. Mais on est rapidement monté (deux ans et demi après son arrivée). Ça m’a incité à poursuivre". Peut-être également qu’il s’est senti redevable. Car quand il signe à l’USAMSM, Charles Boateng vient de vivre six mois de chômage. Un comble pour un élément qui avait enchaîné deux exercices en L2 avec Dijon (entre 2008 et 2010, 23 apparitions à chaque fois) et un autre en N1 avec le FC Rouen (2010-2011, 34 matches).
Planté par son ancien agent après l'échec de sa signature en Allemagne
La suite, c’est Gilbert Guérin qui la raconte : "Alors qu’il est lié encore pendant un an avec Rouen, son agent le convainc de rompre son contrat pour s’engager en D2 allemande". Problème, l’actuel capitaine d’Avranches n’obtiendra jamais les autorisations pour travailler de l’autre côté du Rhin. Peu scrupuleux, son agent le plante. "J’ai eu vent de cette histoire sur internet via une dame, Catherine, une sainte femme. Son fils avait sympathisé avec Bobo au centre de formation de Dijon. Elle s’en est occupée comme si c’était son enfant", se souvient le président normand.
"Bobo était dans une situation difficile. Il ne parlait pas très bien français, Rouen ne voulait pas le reprendre à cause du comportement de son ancien agent. Je me suis dit qu’il y avait peut-être un coup à faire. Notre entraîneur de l’époque (Stéphane Mottin) a rapidement compris que c’était un super joueur". Avec le temps, Gilbert Guérin a noué une relation quasi-filiale avec son n°8. "C’est quelqu’un d’attachant, avec qui tu n’as jamais d’ennuis. C’est comme mon quart de fils (Gilbert Guérin a trois enfants)".
En dix années sous le maillot « Bleu », Charles Boateng a vécu toutes les grandes heures de l’USAMSM : l’accession en National en 2014, les six maintiens consécutifs dans l’antichambre du monde « pro » ou encore ce quart de finale de la Coupe de France en 2017 contre le PSG, à d’Ornano, devant 20 000 spectateurs. Surtout, il a gagné le respect. A Avranches, il n’y a pas une personne qui ne connaît pas « Bobo », comme tout le monde le surnomme. "C’est vrai que quand je sors dans la rue, il y a des gens qui m’interpellent. Je ne sais pas forcément qui ils sont mais je m’arrête toujours pour discuter avec eux", indique le milieu défensif avec ce sourire qui le caractérise tant.
A Avranches, tout le monde connaît celui que l'on surnomme « Bobo ». "C’est vrai que quand je sors dans la rue, il y a des gens qui m’interpellent. Je ne sais pas forcément qui ils sont mais je m’arrête toujours pour discuter avec eux".
Pas un match raté en championnat depuis trois saisons
Sur le terrain, l’ex-Dijonnais a su aussi se rendre indispensable. "Il apporte ce que beaucoup de joueurs n’ont pas : cette capacité à lire le jeu avant les autres. Il anticipe souvent ce que va proposer l’adversaire et parvient à annihiler certaines attaques. C’est un garant de notre animation défensive", décrypte Fred Reculeau. S’il ne constitue pas un leader par la parole ; "même s’il s’ouvre beaucoup plus que lorsque je suis arrivé", souligne le coach manchois, Charles Boateng est le parfait exemple à suivre pour ses coéquipiers, principalement les plus jeunes.
"C’est le premier au stade, le premier à l’entraînement, le premier sur le terrain. Je lui tire mon chapeau car avec le temps, un sentiment d’usure pourrait s’installer", se montre admiratif l’ancien technicien de Luçon. Jamais suspendu ; "il est très respecté des arbitres. Il prend rarement un carton alors qu’à son poste, on est plutôt exposé", rappelle Gilbert Guérin, le capitaine des « Bleus » figure systématiquement dans le onze de départ. Et pour cause, l’international jeune avec le Ghana, plus de 327 apparitions sous les couleurs avranchinaises en match officiel, reste sur trois saisons pleines. "Depuis que je suis là (en 2018), je ne sais pas s’il a raté une séance", s’interroge Fred Reculeau.
Son secret ? Une hygiène de vie irréprochable. "Mes coéquipiers me demandent souvent pourquoi je ne suis jamais blessé ? Je prends soin de mon corps. J’accorde énormément d’importance à la récupération. Je ne sors pas beaucoup en dehors des entraînements sauf pour faire mes courses ou si j’ai vraiment besoin de quelque chose. Souvent, après les séances, je rentre directement chez moi regarder un petit film, lire un livre. Je mange bien, je dors bien. Je me couche à 21 h 30 tous les soirs et je me lève à 7 heures", livre Charles Boateng à la vie quasi-monacale. Autant dire qu’il n’envisage pas une seule seconde de raccrocher les crampons. "Physiquement, je me sens bien, j’ai l’impression d’avoir 24-25 ans et dans la tête, je n’ai pas lâché". Si tous les ans, à la fin du championnat, il rentre au Ghana où résident sa femme et sa fille, le retour définitif au pays n’est pas encore d’actualité.
> N1. J23 - US Avranches (13e - 25 points) / Concarneau (1er - 45 points), vendredi 25 février à 19 heures au Stade René-Fenouillère.
"Je ne comprends toujours pas comment aucun club pro n’est venu le chercher"
Au regard de la régularité et des performances de son milieu défensif, le président Gilbert Guérin s’étonne que Charles Boateng n’ait jamais été sollicité par une écurie de Ligue 2. Pour goûter de nouveau aux joies de la deuxième division, qu’il a fréquenté à ses débuts avec Dijon, plus qu’un départ, le Ghanéen envisage d’y accéder avec Avranches. "Pourquoi pas. Il y a deux ans, quand on a fini quatrième (ex aequo), si on gagnait notre dernier match, on montait*. Dans le foot, tout est possible, ça ne se joue à rien". Cette saison, il est plutôt question de maintien du côté de l'USAMSM mais pourquoi pas un jour...
S'il rêve d'accession en Ligue 2 avec l'US Avranches, le capitaine Charles Boateng va devoir lutter cette saison, avec ses coéquipiers, pour le maintien en National. ©Aurélien Renault