Faire partie de la future Ligue 3 professionnelle
C’est un vieux serpent de mer du football français : la création d’une Ligue 3 professionnelle. Alors que Philippe Diallo, le président de la FFF, a indiqué, fin mai, "qu’elle n’était pas d’actualité, les conditions n’étant pas réunies", Gilbert Guérin, lui, y croit toujours dur comme fer. "J’ai eu un échange avec Vincent Labrune, le président de la LFP. Il m’a dit qu’il y était favorable. Par la force des choses, elle va aboutir". S’ils se battent pour ce changement, c’est parce que les dirigeants de National 1 estiment que les avantages sont nombreux, principalement sur le plan économique. "On pourra faire signer pro nos joueurs", avance le président avranchinais. Paradoxalement, ce type d’engagement est moins onéreux pour les clubs que les contrats fédéraux en vigueur en N1 pour les structures dites « amateurs ».
"En National, la charte négociée par la Fédération et l’UNFP (le syndicat des joueurs) mais sans consulter les clubs prévoit un salaire mensuel minimum de 1 900 € brut. Pour le même joueur, un club pro ne va le payer que 1 300 - 1 400 €", donne comme exemple Gilbert Guérin. Un écart qui n’est pas sans causer un problème d’iniquité entre les différents participants à ce championnat qui ne bénéficient pas d’un statut juridique identique. Reléguées de L2 ces dernières saisons, Châteauroux, Dijon, Nancy, Niort, Nîmes, Le Mans et Orléans bénéficient toujours du statut « pro ». A l’image de leurs homologues de Ligue 1 et de Ligue 2, les pensionnaires de N1 seront également mieux protégés quand certains de leurs éléments seront démarchés par la concurrence.
Aujourd’hui, en troisième division, la plupart des joueurs signe pour une saison et sont libres de leur future destination sans contrepartie financière pour leur ancien club. Et quand ils sont liés sur le moyen terme sous contrat fédéral (généralement deux ans), les transferts n’excèdent pas quelques dizaines de milliers d’euros (comme dans le cas de l’ex-Avranchinais Ihsan Sacko chez les Suisses du FC Thoune). "Avec un contrat pro, c’est plus facile de valoriser économiquement un joueur", affirme Gilbert Guérin. Par contre, les membres du National ne doivent pas s’attendre à percevoir de droits TV. A l’époque où le football français a cru toucher le jackpot avec l’arrivée de Mediapro en 2020, une part de 5 M€ avait été négociée pour eux. Depuis, les promesses du groupe sino-espagnol se sont envolées très loin, l’enveloppe censée être allouée au N1 aussi. Alors que le championnat est diffusé jusqu’en 2024 par Canal +, chaque club touche environ 50 000 € de droits TV.
Si la Ligue 3 aboutit un jour, l'US Avranches pourrait faire signer des contrats professionnels à ses joueurs comme Alan Kerouedan. ©Damien Deslandes
Se rapprocher d’un club anglais
Troyes membre du City Football Group, Strasbourg racheté par les propriétaires de Chelsea, Nice appartenant à la galaxie Ineos… En France, le concept de la multipropriété se répand de plus en plus, avec la majorité du temps des connexions avec l’Angleterre. A son échelle, l’US Avranches aimerait bien aussi se rapprocher de ses voisins anglo-saxons. "On y réfléchit. Ça me trotte dans la tête depuis un moment", lance Gilbert Guérin, déjà contacté dans le passé par des investisseurs étrangers, souvent des hommes d’affaires originaires d’Europe de l’Est. "Des projets pas très sérieux". Pour le président normand, l’idée consisterait à nouer un partenariat avec un club britannique afin de se faire prêter des joueurs à moindres frais.
"Même les pensionnaires de Championship (D2) disposent de moyens financiers incomparables avec des droits TV colossaux", souligne Gilbert Guérin qui met en avant le savoir-faire français en matière de formation pour séduire un club anglais. Avant que de jeunes joueurs ne traversent la Manche, l’USAMSM pourrait servir d’étape intermédiaire comme c’est le cas actuellement quand elle se fait prêter des éléments par des équipes de Ligue 1. Situés sur la rive Sud de l’île, Southampton (D2) et Portsmouth (D3), semblent des candidats idéals. Certains ont déjà été sollicités, sans retour pour le moment. Par contre, dans l’esprit du dirigeant normand, une chose une claire : "Pas question de vendre l’US Avranches où même de céder un pourcentage du capital".
Se staffer sur le plan commercial
Hormis les contrats liés au sportif (directeur sportif, entraîneur, joueurs…), les employés salariés de l’US Avranches se limitent à leur plus simple expression avec un comptable et une secrétaire. Un personnel auquel on se doit d’ajouter une poignée d’étudiants en stage ou en alternance. Pourtant, pour répondre aux exigences du National et franchir un palier dans son développement, le club du Sud-Manche aurait bien besoin de se staffer dans différents secteurs (logistique, communication…). "Je fais partie de la vieille école qui consiste à ne pas dépenser de l’argent avant d’en avoir gagné. C’est toujours comme ça que j’ai fonctionné dans mon entreprise", rappelle Gilbert Guérin. Il faut dire qu’avec un budget d’environ 2,4 M€ dans un environnement de plus en plus professionnel, chaque sou compte. Et la priorité est donnée, fort logiquement, à la constitution du meilleur effectif possible.
Une politique de rigueur économique, peut-être parfois poussée à l’extrême, qui confère au président avranchinais le mauvais rôle. "C’est difficile de devoir dire non à chaque sollicitation du coach (mise au vert, adjoint supplémentaire) ou des joueurs (primes). C’est tellement facile et agréable de dire oui. C’est quelque chose dont je suis privé", déplore Gilbert Guérin qui puise sa satisfaction ailleurs. "Quand la DNCG valide mon budget, là, j’éprouve du plaisir. Quand tu vois ce qu’il s’est passé cette saison dans plusieurs clubs…*"
Si les capacités financières actuelles de l’USAMSM ne lui permettent pas de s’entourer davantage, le dirigeant normand y a déjà réfléchi. Alors qu’il aura bientôt 72 ans, il faut aussi songer à l’avenir. "S’il fallait faire un effort, ça serait sur un directeur commercial pour nous aider à trouver de nouveaux partenaires. On pourrait l’envisager comme un investissement. Après, il faudrait que ça soit un bon, qui connaisse parfaitement le territoire. Car c’est beaucoup plus difficile de vendre l’US Avranches que le Stade Rennais ou le Stade Malherbe". En attendant, Gilbert Guérin se démultiplie - "Je suis à la fois le directeur commercial, le directeur du personnel, le directeur des travaux" - même si déléguer ses prérogatives n’est pas sa qualité n°1 - et s’appuie sur ce qui constitue incontestablement la plus grande richesse de son club : le bénévolat.
*Pensionnaires de N1, Châteauroux, Nancy et Sedan, pour ne citer qu’eux, ont tous été relégués administrativement en première instance par la DNCG. Après avoir présenté de nouvelles pièces à leur dossier, les deux premiers nommés ont été repêchés.
S'il pousse parfois sa politique de rigueur économique à l'extrême, le président Gilbert Guérin ne déroge jamais aux principes qui ont contribué à son succès, tant sur le plan professionnel que sportif. "Je fais partie de la vieille école qui consiste à ne pas dépenser de l’argent avant d’en avoir gagné". ©Damien Deslandes
Se doter d’une nouvelle tribune à Fenouillère
Si le centre d’entraînement qui a été bâti à Saint-Martin-des-Champs et qui a été financé en partie grâce aux fonds propres du club est une incontestable réussite, le Stade René-Fenouillère représente, à l’inverse, un frein à la croissance de l’US Avranches. Si des travaux ont été entrepris par la mairie, propriétaire de l’infrastructure, il y a quelques années, notamment au niveau des vestiaires, l’enceinte manchoise, sa piste d’athlétisme et sa tribune d’un autre temps sans la moindre loge sont très loin de répondre aux exigences du foot moderne ; ne serait-ce qu’en termes d’accueil des partenaires privés. D’ailleurs, si l’USAMSM avait le bonheur et le talent un jour d’accéder à la Ligue 2, il serait confronté à la même problématique que ses amis de Concarneau, obligés de s’expatrier dans trois stades différents (Brest, Lorient et Guingamp) pour disputer leurs matches à domicile.
"C’est un peu le regret de ces 20 dernières années", souffle Gilbert Guérin. "Ne pas avoir été capable d’acquérir un terrain comme pour le complexe d’entraînement (sous-entendu pour y implanter un nouveau stade). Ça n’aurait pas été pharaonique en termes de coûts. Maintenant, c’est compliqué, je pense que c’est trop tard. Il faudrait une montée pour déclencher un élan populaire, une dynamique au niveau des politiques". Pourquoi ne pas couper la poire en deux en imaginant la construction d’une nouvelle tribune sur le modèle d’Andrézieux il y a quelques années ? En attendant, l’US Avranches se débrouille du mieux qu’elle peut avec ce qu’elle a. Et il faut bien le reconnaître, elle ne s’en sort pas si mal.
> N1. J2 - US Avranches (14e - 0 point) / Marignane (18e - 0 point), vendredi 18 août à 19 H 30 au Stade René-Fenouillère.