Deux semaines, jour pour jour, après le décès de Gilbert Guérin, l'émotion sera encore à son comble au Stade Fenouillère, ce vendredi. Si l'US Avranches a déjà disputé deux rencontres depuis cette brutale disparition (déplacement au FC Rouen, le 23 octobre, 0-0, et qualification en Coupe de France à l'issue de la séance des tirs au but aux dépens de Vire, N2, le week-end précédent), les dirigeants manchois ont choisi cette réception du Mans pour lui rendre un ultime hommage. "Pour la préparation de nos deux derniers matches, ce fut compliqué de rester concentré", reconnaît Damien Ott qui va devoir ne pas perdre trop d'influx avant le coup d'envoi. Maillots spéciaux, tout en noir, pour les partenaires d'Anthony Beuve, minute d'applaudissements, discours de son grand ami Jean-Yves Bedel, de son épouse, Huguette, et d'un membre du Comité directeur devant l'ensemble du club... Les marques d'attention ne manqueront pas.
Alors, bien sûr, si son souvenir sera extrêmement présent tout au long de la soirée, il va falloir s'habituer à ne plus croiser sa silhouette près des bancs de touche, dans les couloirs, dans les gradins... "Ça fait bizarre de ne plus le voir quasi tous les jours au centre d'entraînement. Le président Guérin incarnait l'US Avranches. La rapidité à laquelle il a disparu, c'est choquant, brutal, violent...", témoigne le coach des « Bleu et Blanc » qui avait entamé sa cinquième saison de collaboration, répartie sur deux mandats (2015-2018 et depuis 2022), avec Gilbert Guérin. Aucun autre technicien n'est resté aussi longtemps en poste sous la direction de ce président emblématique à l'exception de Bernard Maccio, à la fin des années 1980.
"Ça fait bizarre de ne plus le voir quasi tous les jours au centre d'entraînement"
Damien Ott
"Pour moi, Gilbert, c'était l'authenticité. Il représentait des valeurs qui lui étaient profondément attachées : le travail, le sérieux et aussi le plaisir, la convivialité. Des valeurs essentielles à mes yeux pour créer du lien. Je m'y retrouvais complètement", souligne Damien Ott qui ne cache pas le rôle prépondérant tenu par Gilbert Guérin dans sa carrière sur un banc. "Pendant l'office (funéraire), il y avait sa photo. Le simple fait de la regarder m'a beaucoup ému car, à ce moment-là, j'ai eu une prise de conscience de tout ce que je lui dois. Ma rencontre avec lui a orienté toute ma vie". En 2015, alors qu'il avait été démis de ses fonctions à Colmar, son club historique (pratiquement sept saisons consécutives à la tête de l'équipe), quelques mois auparavant, l'Alsacien est appelé par le président manchois pour prendre les commandes de « son » US Avranches. Car s'il faut ressortir une qualité du dirigeant normand, c'est celle de bien choisir ses coaches. "La première fois qu'on a discuté, je lui ai dit que je ne resterais pas plus de trois ans car au bout de cette période, on ne voit plus que les défauts d'un entraîneur et plus ses qualités. Ça l'avait marqué".
Utiliser le souvenir de Gilbert Guérin pour décrocher le maintien
Les deux hommes avaient respecté cet engagement. "On s'est séparés bons amis avant de commencer une nouvelle aventure la saison passée", rappelle Damien Ott de retour aux affaires à l'été 2022, en succédant à Fred Reculeau. Obligatoirement, en plus de quatre ans de collaboration, le technicien et le président ont partagé de nombreuses performances à l'image de ce quart de finale de la Coupe de France, le 5 avril 2017. Ce soir-là, dans un Stade d'Ornano, à Caen, à guichets fermés avec 20 000 spectateurs, l'US Avranches avait défié le Paris Saint-Germain (défaite 4-0). "Lors de ce parcours, on avait chacun atteint notre Graal. Moi, en affrontant Strasbourg (L2) en 1/8e, c'était l'un de mes plus beaux rêves qui se réalisait", rembobine l'Alsacien pour qui le Racing représente forcément énormément. "Derrière, on avait offert à Gilbert cette place en quart contre le PSG. On s'était fait respectivement un magnifique cadeau".
"La maladie est arrivée tellement vite qu'on n'a pas eu le temps d'échanger, de s'apaiser"
Damien Ott
S'il y a eu beaucoup de hauts, personne ne peut masquer que le « couple » a également traversé quelques frictions. Durant l'exercice précédent, l'affaire des quatre points retirés a tendu la relation entre deux hommes aux caractères bien trempés. "La maladie est arrivée tellement vite qu'on n'a pas eu le temps d'échanger, de s'apaiser, d'apprécier des instants de calme. On aurait mérité de vivre une dernière saison ensemble, mais la maladie ne nous l'a pas permis", regrette Damien Ott qui a toujours vouvoyé Gilbert Guérin et vice-versa. "On avait énormément de respect l'un pour l'autre. On appréciait nos compétences respectives mais notre relation dépassait le cadre du football. Entre nous, c'était une histoire d'amitié".
Désormais, l'US Avranches va devoir apprendre à avancer sans son guide. Alors que son équipe occupe la 13e place sur 18 engagés après 11 journées, l'entraîneur manchois espère que ses troupes se serviront du souvenir de leur président disparu comme levier pour décrocher le maintien (les six derniers seront relégués à l'étage inférieur). "L'héritage est lourd mais on n'a pas le droit de décevoir. Il faut que toutes ces émotions nous aident à performer, qu'on les transforme en quelque chose de positif, pour devenir une équipe qu'il aurait aimé voir jouer", formule comme souhait Damien Ott qui dans cette épreuve peut compter sur le soutien de tout un club. "La direction est très présente. Ça fait du bien de se sentir épaulé. Depuis la semaine dernière, j'ai vraiment l'impression qu'on a gagné en unité". Pour être à la hauteur de la mémoire de Gilbert Guérin, l'USAMSM aura bien besoin de cette solidarité de tous les instants.
> N1. J12 - US Avranches (13e - 13 points) / Le Mans (5e - 18 points), vendredi 3 novembre à 19 H 30 au Stade René-Fenouillère.