Dans les colonnes du quotidien L’Alsace, vous avez déclaré qu’en vous engageant avec l’US Avranches, vous retourniez "à la maison"…
"Pour moi, cette expression est symbolique, à plus d’un titre. Tout d’abord, je reviens dans un club qui correspond à mes valeurs. L’US Avranches, c’est « une maison » que j’ai appréciée il y a quatre ans. Depuis, on a toujours entretenu des bonnes relations, on s’était séparés bons amis. D’ailleurs, j’ai gardé de beaux liens, que ce soit avec des personnes du club ou en dehors. A Avranches, je retrouve ce que j’ai connu à Colmar : une identité, du respect, de la proximité… C’est ce qui me plaît. Ici, je me suis retrouvé dans la mentalité des locaux. Ça a contribué à me convaincre de revenir. Je pense qu’on ne peut bien entraîner que si on se retrouve dans les valeurs du club et de son environnement. Je peux en témoigner d’autant plus que j’ai connu une expérience délicate en partant d’ici (en 2018), à Bourg. Là-bas, ce décalage existait".
Vous avez déclaré, "cette expression est symbolique, à plus d’un titre"…
"Oui, car je reviens en National, « mon » championnat. En tant que n°1, je suis dimensionné pour ce championnat. Je renoue aussi avec mon ADN, avec ce que je suis au plus profond de moi-même, avec ma passion : être entraîneur n°1 même si j’ai vécu durant trois ans une expérience très enrichissante comme adjoint de Laurent Batlles à Troyes. Aujourd’hui, le président (Gilbert) Guérin m’offre la possibilité de rebondir comme n°1. Gérer des hommes, les fédérer, les faire adhérer à un projet… Ça me fait kiffer. Je veux relever des défis et à Avranches, il y en a un sacré à relever".
Pourquoi aviez-vous décidé de partir en 2018 ?
"A Colmar, j’avais fait sept ans et ça s’était terminé de façon très cruelle. Quand tu restes trop longtemps dans un club, on ne voit plus que tes défauts. C’est pourquoi le premier jour de mon contrat avec monsieur le président, je lui avais dit que je resterai trois ans. C’était déterminé. Toutes les parties étaient d’accord. On savait où on voulait aller et on y a été ensemble".
Quels souvenirs gardez-vous de votre premier passage à la tête de l’US Avranches ?
"Au-delà de l’aspect sportif, ce que je retiens, ce sont les relations que j’ai nouées avec les gens. C’est ma plus grande satisfaction. Quand on s’est qualifié pour les quarts de finale de la Coupe de France, j’étais avant tout heureux de voir le président heureux. Un président qui m’a offert la possibilité de passer le BEPF (diplôme permettant d’exercer en L1-L2-N1). Il a investi pour mon avenir. C’est une fabuleuse marque de reconnaissance".
Entre votre départ il y a quatre ans et votre retour aujourd’hui à Avranches, vous avez vécu deux aventures professionnelles. Vous y faisiez référence tout à l’heure, la première à Bourg-Péronnas s’est révélée pour le moins délicate(1)…
"C’est le pire moment de ma vie. J’avais mal évalué la situation. Je pensais avoir des certitudes avec mes dix années en National mais dans le foot, tu ne peux jamais en avoir. En quelques semaines à Bourg, tout s’est écroulé. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point il était difficile de prendre en main un club qui descend (de L2). Moi, je me disais : « J’arrive dans un club pro, l’ambition est de remonter immédiatement ». Et puis j’ai commis une erreur, j’y suis allé tout seul, sans adjoint. Je me suis retrouvé avec des personnes qui n’ont pas adhéré, elles m’ont détruit. Depuis cette expérience, je me suis toujours dit que si je reprenais une équipe en tant que n°1, hors de question que je sois seul. Je dois être accompagné par des personnes honnêtes".
(1)Relégué de Ligue 2 en National 1, Bourg-en-Bresse ne s’était sauvé qu’à la dernière journée.
Après Bourg-Péronnas, vous avez rebondi à Troyes en tant que n°2 de Laurent Batlles ; un technicien avec lequel vous aviez passé votre diplôme du BEPF…
"Jamais je n’aurais imaginé devenir adjoint un jour. Mais à Bourg, je me suis rendu compte qu’il me manquait des choses dans ma panoplie d’entraîneur. Sur certains aspects du football, il fallait que je m’améliore. Quand Laurent m’a fait cette proposition, je me suis dit : « Je vais apprendre ». Mon moteur, ça n’a jamais été l’argent, moi, je veux progresser. Au final, ce fut une expérience fantastique. J’ai appris des animations offensives que Laurent maîtrise totalement, j’ai découvert un jeu de positions. Tu as beau lire tous les bouquins du monde, il faut le vivre au sein d’un groupe pour le comprendre. Je me suis ouvert à une autre conception du football".
Avec Laurent Batlles, vous avez également mis un pied dans le monde professionnel…
"En étant l’adjoint de Laurent, j’ai eu le privilège et l’honneur de voir ce qui se passait au-dessus. J’ai connu la Ligue 2, un titre de champion (en 2021), une moitié de saison en Ligue 1… J’ai découvert un monde qui ne m’était pas familier, ses codes, le relationnel avec les joueurs, leurs besoins… En venant du milieu amateur (Damien Ott a évolué jusqu’en CFA, équivalent au National à son époque), je ne connaissais pas tout ça. Chez les pros, c’est tellement différent. A tel point que ça m’a presque convaincu de revenir dans le monde que je connais".
Comment avez-vous vécu le départ forcé de Laurent Batlles à Troyes à la fin du mois de décembre ?
"Il existait un décalage entre la façon dont City(2) voulait construire son effectif et notre manière de fonctionner. On ne partageait pas les mêmes conceptions footballistiques. Personnellement, les dirigeants m’ont proposé de rester. Ils ont fait preuve de respect mais moi, j’étais venu avec Laurent, donc c’était une évidence que je parte en même temps que lui. C’est une question d’honnêteté. Mais j’ai gardé de très bons contacts avec le club de Troyes. D’ailleurs, j’ai été invité pour le match contre Lens (le 14 mai). J’ai revu tous les joueurs. Ils étaient contents pour moi (pour sa nomination à Avranches). C’est valorisant".
(2)Depuis septembre 2020, l’Estac est la propriété du City Football Group ; une société émiratie qui possède une dizaine de clubs à travers le monde dont Manchester City en Angleterre, New York City FC aux Etats-Unis ou encore Mumbai City FC en Inde.
A la suite de cette expérience auboise avec Laurent Batlles, on aurait pu vous imaginer poursuivre à ses côtés dans un autre club (Laurent Batlles a été nommé à la tête de Saint-Etienne)…
"Quand j’ai reçu la proposition d’Avranches, Laurent a été la première personne que j’ai prévenue. Il était hors de question de trahir sa confiance. Il m’a dit : « Si tu es heureux d’y aller, je suis heureux que tu puisses le faire ». Difficile d’espérer meilleure réponse. Humainement, on a tissé des liens indéfectibles. Pendant nos trois années ensemble, il n’y a jamais eu la moindre contradiction. Et puis au plus profond de moi, j’avais vraiment envie de reprendre comme n°1. C’est peut-être le dernier défi que je me lance dans ma carrière, un sacré beau défi".
Si on comprend bien vos propos, le Damien Ott qui revient aujourd’hui à l’US Avranches n’est plus le même que celui qui l’a quittée en 2018 ?
"Je ne suis plus le même car j’ai enrichi ma palette, mes connaissances footballistiques mais au fond de moi, je suis toujours pareil. L’idée, ce n’est pas de copier les autres. Il faut rester authentique, sinon tu te mens à toi-même et par la même occasion, aux autres. Et dans ces conditions, c’est impossible de les emmener avec toi".
Par rapport à votre précédent passage dans le Sud-Manche, il y a quelque chose qui a changé, c’est la présence de Xavier Gravelaine comme directeur sportif…
"C’est séduisant. Ça prouve que le club s’est professionnalisé. Xavier va travailler sur le recrutement, les contrats… Ce n’est pas simple. Désormais, en plus du président, il y a une personne supplémentaire pour travailler sur ces dossiers sensibles. Dans ma vision d’un club, moi, en tant qu’entraîneur, je souhaite avoir un directeur sportif à mes côtés. Ça me permet de me dégager de ces contraintes et de me focaliser sur le terrain. Cette organisation correspond à mes attentes".
Vous y faisiez référence un peu plus tôt, "un sacré beau défi" vous attend à la tête de l’US Avranches. Compte tenu du passage de la Ligue 1 et de la Ligue 2 à 18 clubs(3), il y aura six descentes en National les deux prochaines saisons, soit un tiers du championnat…
"Si on ne prenait que des missions faciles, on ne donnerait pas le meilleur de nous-mêmes. Vous savez, les plus grandes réussites se construisent là où le pourcentage d’échec est le plus important. C’est pour ça qu’on est ici, pour relever ce challenge, avec des personnes de caractère. Maintenant, il ne faut pas déjà se projeter sur la ligne d’arrivée. Prenons les choses par étape : la reprise de l’entraînement, la préparation, la première journée de championnat (le 12 août)… Ne créons pas un climat anxiogène. Au contraire, il nous faut de la sérénité. Avec monsieur Guérin, Xavier Gravelaine, mon staff, on va diffuser de la sérénité".
(3)Dès la saison prochaine, en 2022-2023, pour la L1, et l’exercice suivant, en 2023-2024, pour la L2.
> Match de préparation. Guingamp (L2) / US Avranches (N1), mercredi 6 juillet à 17 heures au centre d'entraînement de l'En Avant (à huis clos).
Damien Ott
> Né le 12 septembre 1965 (56 ans) à Bâle en Suisse. Français.
> Ex-défenseur. Entraîneur. Sous contrat jusqu'en 2024.
> Parcours de joueur : Vandoeuvre-lès-Nancy (1987-1992), Saint-Quentin (1992-1996), Saint-Louis Neuweg (1996-1999).
> Parcours d’entraîneur : Saint-Louis Neuweg (1998-1999, équipes de jeunes), Mulhouse (1999-2002, U17-DH-CFA2, puis 2004-2008, CFA2-CFA), Village-Neuf (2002-2004), Colmar (2008-2015, CFA-N1), US Avranches (2015-2018, N1), Bourg-Péronnas (2018-2019, N1), Troyes, (adjoint, 2019-décembre 2021, L2-L1).