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Fred Reculeau : "J’ai dit au président que j’étais prêt à repartir"

Fred Reculeau montre la voie à suivre à ses joueurs ; celle d'un football de possession où la passe est à la base de tous les principes de jeu.

Fred, l'US Avranches va passer les fêtes de fin d'année à la neuvième du championnat. De manière très générale, quelle est votre analyse de cette première partie de championnat ?

"On a une équipe qui est parfois aux abonnés absents ou aux antipodes de ce que je peux espérer. C’est surtout dans les attitudes et dans la manière de préparer un match que je ne suis pas satisfait. On a des jeunes joueurs et ce sont eux qui sont très irréguliers. On peut essayer de leur trouver des excuses mais ce n’est pas ce que je ferai. Ce sont des joueurs qui sont pros, ou du moins pros parce qu’ils font du football leur métier. Ils doivent justement être en capacité de faire leur métier de la meilleure des façons".

On a le sentiment qu’avant chaque début de match, vous ne savez jamais vraiment quelle équipe va se présenter devant vous

"C’est exactement ça. Il y a des joueurs qui ne font pas forcément des prestations extraordinaires à chaque match mais qui répondent toujours présent. Et il y en a d’autres, plus jeunes, qui hélas ne se préparent pas pour être performants. Moi, en tant qu’entraîneur, je les pousse, je crois en eux et j’aspire à ce qu’ils progressent. Mais on n’est pas en phase de progression. Les garçons ont un potentiel, ils ont du talent mais on a une équipe branchée sur courant alternatif et ça me dérange. On a des individualités qui n’arrivent pas à se mettre en phase avec l’exigence du haut niveau tous les week-ends".

Vous terminez l’année 2021 avec six points d’avance sur la zone rouge. Après votre élimination en Coupe de France contre l’ASPTT Caen (0-0, 4-3 tab, le 16 octobre) qui avait suivi le revers 6-0 face au Red Star (J10. le 8 octobre), auriez-vous signé pour détenir ce bilan ?

"Avec trop de talent, on se voit peut-être trop beau. Les joueurs ont beaucoup de mal à comprendre qu'il faut s'investir"

"Franchement, non ! Parce que je croyais et je crois en mon groupe. En début d’année, j’étais en capacité de croire qu’on atteindrait ce bilan et je suis d’ailleurs plutôt déçu car selon moi on pouvait faire mieux. Ma colère est liée au fait que j’ai un groupe qui pouvait faire de meilleures choses, même si on n’est pas fantastiques et qu’on ne domine pas nos adversaires. Je pense qu’on a plus lâché de points qu’on en a pris qui étaient mérités. Pour revenir à notre élimination contre une R1, je suis sûr qu’on peut rejouer 100 fois le match et qu’on passera 99 fois. C’est à l’image de cette équipe".

On sent bien qu’il y a une équipe à deux vitesses…

"Dans ce groupe, on a un antagonisme entre des très jeunes footballeurs et des joueurs confirmés. J’ai des joueurs de 30 ans, j’en ai d’autres de 20 ans et peu entre les deux. A l’arrivée, les réguliers sont mes anciens et les irréguliers, ce sont les jeunes. Si on arrive à corriger ça… Avec trop de talent, on se voit peut-être trop beau. C’est aussi à moi de trouver les bons leviers pour faire comprendre à ces jeunes ce qu’est l’exigence du haut niveau. Il faut qu’ils comprennent que leur progression passera par les résultats d’un collectif. Les joueurs, et c’est générationnel, ont beaucoup de mal à comprendre qu’il faut s’investir. Pour en avoir parlé à des entraîneurs, on a tous le même constat au sujet des plus jeunes. Certains le vivent peut-être mieux que moi".

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Alors qu'il reste une journée lors de la phase aller, l'US Avranches pointe en neuvième position avec six points d'avance sur la zone rouge. ©Damien Deslandes

Cette saison, il y a le regret de ne pas avoir pu faire venir davantage d’expérience au sein de votre effectif ?

"Le nerf de la guerre, on le connaît tous ! Les clubs qui sont tout en haut sont ceux avec les effectifs les plus vieux en moyenne d’âge, il n’y a pas de mystère et je ne me cache pas derrière ce constat. Un garçon qui a 28-29 ans et six-sept ans de National derrière lui voire même quelques saisons en Ligue 2, ce n’est pas le même coût qu’un gamin de 20 ans. Cet été, on a cherché à se renforcer avec des joueurs confirmés mais il y a parfois des contraintes. Le président (Gilbert Guérin) a été dans ce sens-là en nous permettant de faire venir David Pollet (33 ans) ou encore Reda Lamrabette (28 ans), et encore, lui venait de National 2, il a fallu s’adapter. Beaucoup de joueurs dans mon équipe découvrent le National et les entraîneurs magiciens n’existent pas. C’est un fait, il faut faire avec."

Dans la manière dont vous avez pu construire ce groupe cet été, il y avait forcément le risque d’arriver à votre constat…

"Pour certains, arriver une ou deux minutes en retard, ce n'est pas grave. Mais si, justement, c'est grave. Ils n'en ont juste pas conscience"

"Mais je ne me cache pas ! Si je ne voulais pas ça, je ne serais pas à Avranches. Je le répète, j’ai le potentiel, il manque juste cette maturité et cette connaissance du niveau. On peut travailler de façon différente avec un garçon qui sait ce que demande le haut niveau et un jeune qui découvre tout. On a fait un bilan lundi matin, j’ai dit des choses aux joueurs… Je leur ai aussi demandé leur avis sur leur début de saison et beaucoup se sont dits frustrés, pas au niveau... C’est bien beau de faire des constats mais ce sont eux les principaux acteurs. Que font-ils pour faire changer les choses ? Je leur ai donné un challenge : en deuxième partie de saison, il faudra se donner les moyens de faire quelque chose de beau et, au moins, de faire mieux que la première quand bien même elle n’est pas non plus catastrophique".

La première partie de saison n'a pas été catastrophique en effet, il y a même pas mal de points positifs à relever dans ce début de saison. Quels sont les vôtres ?

"Il n’y a pas un match qui me revient plus qu’un autre, c’est notre quotidien. On vit ce métier tous les jours et moi, je travaille dans de bonnes conditions avec mes joueurs. Ça se passe super bien. Parfois, il y a cette exigence qui est dure à faire comprendre. Pour certains, arriver une ou deux minutes en retard, ce n’est pas grave. Pour certains, prendre dix minutes pour commencer vraiment son échauffement car ils ne sont pas encore réveillés, ce n’est pas grave. Mais si, justement, c’est grave ! Ils n’ont juste pas conscience de cela. Derrière tout ça, on s’entraîne bien, dans de bonnes conditions, dans une bonne ambiance. Dans tout ce que je leur demande, ils ont du répondant, ils en veulent. Maintenant, ce sont des séances d’entraînement. L’exigence des matches, c’est autre chose. C’est là-dessus qu’il va falloir progresser".

Pierre Magnon fait partie des éléments d'expérience du groupe de Fred Reculeau. Des joueurs connaissant parfaitement le National pas assez nombreux à l'US Avranches pour jouer les premiers rôles. ©Damien Deslandes

Vous n’avez vraiment pas de match qui vous ait marqué plus qu’un autre ?

"On a évidemment réussi des matches intéressants mais malheureusement, un joueur confirme lorsqu’il est capable d’enchaîner de bonnes prestations. Pour l’instant, mon équipe n’est pas capable de le faire. Est-ce que j’ai un match référence ? Pour moi, ce serait le match nul à Cholet (J15. 1-1, le 4 décembre), même si ce n’est qu’un nul, on peut le prendre comme un match référence. C’est un match qu’on aurait pu perdre ou gagner mais c’est une référence pour mon projet de jeu et dans ce que j’attends de l’équipe. Elle est vivante, elle se procure des occasions. Elle en concède aussi bien entendu donc il reste des choses à corriger, mais c’est l’état d’esprit que je veux. Et il y a eu d’autres bons matches avant. Ce que je veux maintenant, c’est qu’on réussisse à en faire sur trois-quatre week-ends de suite. Je veux qu’on soit capable de faire une série de cinq matches par exemple où on ne perd pas. Je veux qu’on entre en mode compét’ et qu’on veuille tout exploser, qu’importe le niveau de l’adversaire. Mais pour l’instant, on n’y arrive pas".

2022 pourrait être l’année du tournant ou de la continuité pour l'US Avranches puisque vous arrivez en fin de contrat en juin. Avez-vous de la visibilité sur la suite et quelles sont vos intentions ?

"Sincèrement, je peux tout entendre et tout comprendre mais j’insiste sur le fait que je me sens prêt à rempiler à Avranches"

"Le destin des entraîneurs est entre les mains des présidents. Moi, j’ai dit au président que j’étais prêt à repartir, tout simplement. Maintenant, c’est entre ses mains. Je lui ai dit que j’étais bien là, qu’on pouvait construire quelque chose. Il y a forcément des choses à améliorer, par rapport au recrutement notamment et aux constats qu’on fait. En fonction des moyens que le club aura même si ces derniers seront à la hauteur du National, si on veut ambitionner plus, il faudra faire évoluer les choses. Encore une fois, ce sera en fonction de ce que veut le président. Souhaitera-t-il être dans la continuité ? Est-ce qu’il voudra redonner une dynamique ? Avoir un profil d’entraîneur différent ? Avoir des ambitions plus élevées ? Je suis convaincu qu’on peut le faire, je suis dans l’aptitude à continuer l’aventure, je lui ai donné mon sentiment. On verra s’il y a discussion ouverte ou fermée".

Prenez-vous toujours autant de plaisir à vivre et à travailler à Avranches, à exprimer votre vision du football ?

"Ce qu’il faut savoir, c’est que le président me donne cette possibilité-là. Il ne me donne pas forcément l’équipe que je voudrais (rires). C’est bien sûr aussi une question de budget. Humainement, au niveau de la qualité du travail ou dans la qualité de la vie que je mène avec ma famille, je suis bien à Avranches. Sportivement et dans mon travail, je me plais ici. Si j’ambitionnais plus que ce me donne le club, j’aurais le droit de partir mais ce serait à moi d’assumer. Si le président est favorable à ce qu’on discute d’une prolongation, si on détermine dans quelles conditions sportivement on se placera, je suis disposé à poursuivre. J’aspire à jouer le haut de tableau dans ce championnat. Je fais des choses bien, d’autres moins bien. Mais je suis en National depuis quelques années maintenant, ça ne donne pas un gage de réussite partout où on passe mais je suis ouvert à tout et surtout à rester ici. Il y a plein de choses à améliorer mais ça se fera à la vitesse que ça doit se faire et ça se fera dans les conditions qui doivent être celles d’Avranches. Là-dessus, je n’ai aucun souci".

Qu’est-ce qui manque encore à l’US Avranches pour prétendre sereinement à jouer le haut du tableau ?

"Il faut avoir des arguments et les arguments, ce sont les joueurs d’un certain niveau pour aspirer à mieux. La matière première, ça coûte. On verra ce que veut le président et ce à quoi il aspire dans les années à venir. Au-delà de jouer le haut de tableau, il y aura des années à venir avec des évolutions dans les championnats avec la Ligue 2 à 18 clubs et peut-être le passage à une Ligue 3. Il y a un important virage qui s’annonce, les deux-trois saisons qui arrivent vont être difficiles, surtout en National. Avec l’expérience qui est la mienne, ce virage ne me fait pas peur. Quand je suis arrivé, le président m’avait dit que pour lui, le durée de vie d’un entraîneur dans un club était de trois-quatre ans maximum. J’y suis. Après, ça se passe bien, notre relation est saine, elle est largement à la hauteur de ce qu’on peut espérer l’un et l’autre. Ça se passe bien, on est capable de se dire les choses ; ce qui est le minimum dans une telle relation. Après, est-il content de ce qui se passe ? Est-il satisfait de mon travail ? Sincèrement, je peux tout entendre et tout comprendre mais j’insiste sur le fait que je me sens prêt à rempiler à Avranches".

Une première partie de saison sous le signe des absences

Avec le gardien Brice Cognard, le capitaine Charles Boateng, l'attaquant David Pollet fait partie des trois seuls joueurs de l'effectif de l'US Avranches à avoir été convoqué lors de chaque journée de championnat. ©Damien Deslandes

En cette première partie de saison, l'US Avranches est loin d'avoir été épargnée par les pépins physiques. D'ailleurs, entre les blessures, les suspensions et les choix du coach, seuls le gardien Brice Cognard, le capitaine Charles Boateng et l'attaquant David Pollet ont été de tous les groupes convoqués en championnat. "Il y a beaucoup de joueurs sur lesquels je n’ai pas encore pu m’appuyer", regrette Fred Reculeau. "Mehdi Boussaïd, par exemple, a le genre de profil que j’aime pour mon projet donc je comptais beaucoup sur lui. À l’arrivée, il n’a quasiment pas joué, il revient à peine". Certains secteurs ont d'ailleurs été plus touchés que d'autres. "Avec Oussama Falouh et Martin Expérience, notre côté gauche a été pas mal touché", précise l'entraîneur manchois. "On a été amputés de pas mal de joueurs depuis l’entame, c’est une certitude. J’ai commencé à retrouver mon équipe à Cholet"

Côté recrutement, tous les paris n'ont pas non plus été payants. Parmi eux, l'ancien joueur de Caen Ali Gueddar a, par ailleurs, déjà quitté le club. "Il y a eu des réussites et il y a des choses qui n’ont pas fonctionné", observe Fred Reculeau. "On essaiera de corriger quelques petites choses cet hiver mais on ne pourra pas tout changer". Le technicien de l'USAMSM se montre par ailleurs plutôt confiant pour la suite si évidemment le sort vient à ne plus s'acharner. "Je dois retrouver un équilibre en 2022 et je suis positif. Si par bonheur, on ne revit pas ce qu’on a vécu dans ce début de saison côté blessures, je serai optimiste. Si les garçons veulent se faire violence, on pourra faire mieux".

Aurélien RENAULT

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