A l'époque où le football français pensait toucher le pactole avec l'arrivée de Mediapro(1), la Ligue 2 avait obtenu un déplafonnement de ses droits à hauteur de 135 M€ par saison jusqu’en 2024 (contre 110 sur la période 2016-2020) dont cinq alloués au National 1. Dans le cadre de cette négociation, l’US Avranches, comme les 12 autres structures « amateurs » de ce championnat(2) s’attendait à percevoir 250 000 € (au lieu de 50 000 € jusqu’à présent). Mais le faux bond imprévu du groupe sino-espagnol a tout remis en cause. Pour l’exercice 2020-2021, la deuxième division n'aura le droit qu'à 85 M€ ! Pour se partager cette somme, les 20 pensionnaires de l’antichambre de l’élite ont voté à 14 voix (dont celles du Stade Malherbe et du HAC) contre six pour revenir au schéma de distribution du cycle précédent.
Sauf que l’un des effets secondaires de cette « nouvelle » répartition a été la suppression, pure et simple, de l’aide au N1. "Le pire, c'est qu'on nous a repris quelque chose auquel on a goûté", déplore Gilbert Guérin, le président de l'USAMSM. "Ce comportement égoïste est assez décevant. Je ne suis pas sûr que tout le monde ait bien compris ce qui était en jeu. Le plus surprenant, c’est que ce sont les petits clubs, ceux qui sont susceptibles de descendre en National, qui s’y sont opposés. J’ai l’impression qu’ils ont réfléchi à court terme sans se projeter".
Surtout que les équipes de L2 savent parfaitement, à quelques exceptions près, qu'elles sont des candidates en puissance au National. Cette saison, sur les 18 formations composant le N1, les deux tiers ont déjà fréquenté l'étage supérieur. Si pour cet exercice 2020-2021, les 13 clubs « amateurs » dont l'US Avranches ont reçu une part du montant qui avait été convenu de la part de la FFF (100 000 €), il semble exclu de toucher le reste, soit 150 000 € quand même. Et pour les saisons suivantes, c'est un retour à la case départ. C'est-à-dire rien ou presque. "Sachant que l'année prochaine risque d'être catastrophique sur le plan économique. Nos partenaires qui nous suivent depuis deux ans sans bénéficier des hospitalités pourront-ils continuer de nous soutenir ? Si on ne veut pas crever, il faut faire quelque chose", interpelle Gilbert Guérin.
Création d'une Union Ligue 3 pour parler d'une même voix
Face à ce constat, les clubs de National ont décidé de parler d'une même voix à travers la constitution d'une « Union Ligue 3 ». Succédant à l'Amicale des présidents de clubs de National lancée il y a quatre ans à l'initiative de Gilbert Guérin, cette entité a pour objectif, comme son nom l'indique, la création d'une Ligue 3 professionnelle, le cheval de bataille du président manchois depuis plusieurs années. Interrogés à ce sujet, Noël Le Graët, Frédéric Thiriez et Michel Moulin, les trois candidats à l'élection à la présidence de la FFF, qui se tiendra samedi (13 mars), s'y sont déclarés favorables. "Se prononcer pour, c'est une bonne chose mais maintenant, il faut passer la vitesse supérieure", estime le dirigeant avranchinais à la tête aussi de ce « syndicat ». "Notre démarche n'est pas agressive. On durcit juste un peu le ton".
Avec cette troisième division professionnelle "comme cela existe partout en Europe", souligne Gilbert Guérin, les acteurs du National aspirent à toucher un pourcentage des droits TV du « foot pro », ces fameux 5 M€ qui avaient été promis. Car, si, depuis 2016 et, au minimum, jusqu'en 2024, une affiche de N1 est diffusée sur les antennes du groupe Canal +, il ne génère pas ses propres revenus. "On a besoin d'augmenter la médiatisation de notre championnat", reconnaît le président de l'USAMSM. "Canal + nous écoute. J'ai eu Maxime Saada (le PDG de la chaîne cryptée). Il nous voit plutôt d'un bon œil".
Pour Gilbert Guérin, cette somme de 5 M€ serait synonyme d'un juste retour des choses pour « son » championnat de N1. "On a tous les inconvénients des professionnels sans les avantages", rappelle-t-il, référence, entre autres, au nombre de kilomètres parcourus de Dunkerque à Bastia en passant par Concarneau, Sète ou Annecy. Pour le dirigeant manchois, ses homologues de L2 sous-estiment l’importance du National dans la pyramide du football français. "On contribue au processus de formation des joueurs. Rien qu’à Avranches, on peut constituer une équipe complète de Ligue 2 avec des garçons passés chez nous (Victor Lekhal au Havre, Dylan Louiserre à Niort, Victor Lobry à Pau). Certains d’entre eux évoluent, aujourd’hui, en première division, en France (Jonathan Clauss à Lens) ou à l’étranger (Mickaël Malsa à Levante en Espagne). Notre boulot n’est pas reconnu". Pour Gilbert Guérin, il serait grand temps qu'il le soit.
(1)1,217 milliard d'euros par saison pour la période 2020-2024 dont 814 M€ apportés par Mediapro.
(2)Le Mans, Orléans, Bourg-en-Bresse, le Red Star et Quevilly-Rouen bénéficient du statut professionnel.
► DOSSIER COMPLET SUR LES DROITS TV ET NOTAMMENT SUR LES CONSÉQUENCES SUR LE STADE MALHERBE ET LE HAC DANS LE DERNIER N° DE FOOT NORMAND (35) EN KIOSQUES.
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Le National 1 n’est pas le seul championnat à voir son aide issue des droits TV du football professionnel disparaître avec la fin prématurée de l’aventure Mediapro. La D1 Féminine se retrouve dans un cas de figure identique. Alors qu’initialement une somme de 6 M€ avait été budgétisée, les 12 pensionnaires de la première division n’en verront pas la couleur. Comme chaque équipe rattachée à un club « pro » masculin, le HAC aurait dû percevoir entre 400 et 500 000 € ; les structures amateurs autour de 200 000 €. Un partage jugé inéquitable par ces dernières qui avait fait couler beaucoup d’encre l’été dernier. "Au final, les clubs amateurs de D1 vont toucher plus d’argent que leurs homologues professionnels car la Fédération s’était engagée à compenser la différence", rappelle Pierre Wantiez, le DG du Havre.
Promue en D1 Féminine cette saison, la section féminine du HAC aurait dû percevoir une somme entre 400 et 500 000 € de droits TV issus des revenus du foot « pro ». ©Emmanuel Lelaidier