On promettait l'enfer à l'US Avranches cette saison. C'est la raison, sans doute, pour laquelle le maintien acquis de haute lutte vendredi soir avait ce goût délectable de paradis. Dans une saison à six descentes et avec quatre points de pénalité à traîner tout au long du championnat, le club manchois et son budget somme toute modeste face aux poids lourds du National avait tout d'un relégable en puissance. Force est de reconnaître que l'USAMSM a cette capacité à repousser ses limites que des entités comme Bourg-Péronnas ou le Stade Briochin, futurs pensionnaires de N2, doivent sérieusement lui envier ce samedi matin. "On va attaquer la dixième année et c'est formidable quand on sait que la durée de vie dans ce championnat est de deux ans", savoure le président Gilbert Guérin tout en retenue. "Nous, on aura fait dix ans alors qu'on est un village et que nos moyens sont limités comme tout le monde le sait".
Pour résumer l'exercice 2022-2023 d'Avranches, on pourrait presque se contenter de revivre le dernier duel de la saison face au SO Cholet tant celui-ci, irrespirable, s'est imposé comme une sorte de version miniature du championnat. Poussés dans leurs retranchements, menés au score sur un penalty très discutable (41'), les Manchois s'en sont remis au 13e but en cinq mois de l'incroyable Goduine Koyalipou (51') et à un penalty de l'homme de la fin de saison Ihsan Sacko (55') pour forcer leur destin, prendre les rênes et finalement s'imposer 2-1 dans une enceinte en fusion. "Comme les bons films, il y a du suspense, il ne faut pas être cardiaque", poursuit le président, soulagé mais conscient du dur labeur écoulé. "On a souffert, il faut être honnête".
Ce nouveau maintien porte évidemment la marque de Damien Ott. Revenu en Normandie l'été dernier, l'ancien entraîneur de Colmar avait un plan derrière la tête pour sauver le club de la descente. "On a su montrer des valeurs de résilience fantastiques", se félicite le coach alsacien, forcément éreinté après un parcours éprouvant. "Mon groupe, mon staff ont été fantastiques. On a connu des moments très difficiles, il y a eu des phases où on a enchaîné cinq défaites de suite mais tout de suite derrière, on a toujours réussi à aligner trois victoires de rang, cela démontre que le groupe a été très uni, très soudé avec une cohésion fantastique". Après avoir déjà réussi la mission maintien entre 2015 et 2018, l'homme qui n'a jamais connu la descente en troisième division a certainement vécu le sauvetage le plus fort en émotion, vendredi soir.
Le retour du spécialiste Damien Ott, un choix gagnant
Malgré le danger que représentait cette saison à six descentes, Gilbert Guérin avait pris la décision l'été dernier de ne pas reconduire Frédéric Reculeau sur le banc et de rempiler avec Damien Ott, quitte à briser la continuité dans l'équipe première. Risqué, le choix apparaît aujourd'hui clairement payant. "Contrairement à plein d'autres clubs qui avaient plusieurs saisons de travail derrière eux, on est reparti d'une copie blanche ici et les joueurs ont su travailler dans un climat et une atmosphère sereine et très agréable", développe le coach avranchinais. "On a mis beaucoup d'intensité, c'est pour ça qu'on a eu des moments difficiles car parfois, on cramait nos joueurs mais c'était le prix à payer pour montrer un football offensif, vers l'avant et de la générosité". Si l'on prend en compte le succès choletais (J1. 3-1, le 12 août) finalement invalidé administrativement, l'US Avranches a remporté 15 matches cette saison, un total record en National que le club n'avait jamais atteint ces huit dernières saisons.
Toujours à l'affût quand il s'agit de mettre en avant le club qu'il a contribué à faire grimper si haut, Gilbert Guérin rappelle même que "si la cour de cassation redonne les quatre points perdus, le club terminerait 6e". Pour l'heure, c'est bien au chaud au 9e rang qu'Avranches va savourer cette fin de saison en apothéose et il n'est d'ailleurs clairement pas acquis que ce classement puisse changer ces prochains jours. Qu'importe à l'arrivée puisque le club a accompli un formidable exploit en se hissant dans le Top 9 devant de gros clubs comme l'AS Nancy, étonnamment reléguée en National 2, ou encore Le Mans FC et la Berrichonne de Châteauroux qui ont sacrément tremblé lors de l'ultime journée.
S'il y a une chose qui est certaine, c'est que les célébrations de fin de saison ne vont pas s'éterniser dans le sud-Manche. Dès lundi, la saison 2023-2024 va commencer en interne. Si Damien Ott est un éternel ambitieux, son président a tout le mérite de l'être également quand bien même le futur championnat imposera de nouveau une zone de relégation comportant six places. "Il s'agira surtout d'avoir une bonne comptabilité, il y a des équipes reléguées qui risquent d'être repêchées quand la DNCG va sévir", prévient Gilbert Guérin. "L'année prochaine, il y aura le même challenge sportif mais aussi financier pour équilibrer les comptes. Même si c'est férié lundi, on va s'y mettre, avec Xavier (Gravelaine, le directeur sportif) on va essayer de négocier tout ça, on va créer une enveloppe et elle ne pourra pas être inférieure à celle de cette année qui était déjà juste". Le club le plus ancien du National va de nouveau chasser les miracles. En tout cas, il ne semble plus à un exploit près.
Aurélien RENAULT