M. Leroux, quel(s) sentiment(s) vous anime(nt) quand on vous désigne désormais comme le président de l’US Avranches ?
NL : "Les premières heures, les premiers jours furent un peu vertigineux. Par rapport à Gilbert, au début, j’avais presque l’impression d’être coupable d’une usurpation d’identité. Je me disais : « Ce n’est pas moi le président, c’est Gilbert ». Quand on regarde les photos, ici, au siège, il est partout (sourire). D’ailleurs, depuis sa disparition, un sentiment de vide nous entoure. On a du mal à réaliser qu’il n’est plus avec nous".
PBL : "Gilbert était tellement identifié président de l’US Avranches. Quand on est présent au club, on a toujours l’impression qu’il est là, on s’attend à ce qu’il sorte d’un bureau".
NL : "En devenant président, c’est comme si j’avais endossé un costume. J’ai ressenti assez rapidement le poids de l’héritage. A l’époque où j’étais joueur, plus jeune, on se demandait déjà : « Qui succédera un jour à Gilbert Guérin ? » Dans notre esprit, c’était impossible. Déjà, dans ces années, Gilbert était un mythe pour le club. Alors, si on m’avait dit que ce serait moi... Maintenant, notre rôle avec Philippe, c’est d’assumer au mieux nos fonctions".
Si vous deviez qualifier Gilbert Guérin avec un seul adjectif ?
PBL : "Attachant. C’était aussi un meneur d’hommes. Gilbert avait une capacité à fédérer les gens autour de lui. Il les tirait vers le haut. Il vous donnait l’envie, d’une manière ou d’une autre, d’adhérer à son projet".
NL : "Moi, je dirais loyauté. Il était extrêmement loyal envers les gens qu’il appréciait : sa famille, ses amis… Entre nous, il n’y avait pas d’ego mal placé, pas de compétition mais une confiance mutuelle. C’est un sentiment rare et précieux. La confiance que Gilbert nous a témoignée a énormément compté dans notre choix de reprendre le club".
PBL : "Il faut savoir que si on croisait bien sûr Gilbert dans le cadre du club, on le fréquentait autant, voire plus, en dehors par amitié".
"Quand on est présent au club, on a toujours l'impression que Gilbert est là, on s'attend à ce qu'il sorte d'un bureau"
Philippe Blin-lebreton
NL : "On a passé des week-ends mémorables tous ensemble, avec nos familles. Début juin, on est tous partis en Bretagne, sur une péniche, pour l’anniversaire de son épouse, Huguette. C’est un souvenir qui restera gravé dans nos mémoires".
M. Leroux, vous venez d’évoquer « le poids de l’héritage ». Est-ce que cela ne vous effraie pas justement ?
NL : "C’est plutôt une source de motivation. Je transforme ce poids en quelque chose de positif. Bien sûr que ces nouvelles responsabilités peuvent être un peu stressantes mais c’est un stress positif. En occupant ce poste, j’ai l’impression de grandir".
PBL : "Je comprends parfaitement le discours de Nicolas même si par ma fonction de directeur général, je me trouve un peu plus dans l’ombre. Maintenant, sur les dix derniers jours qui viennent de s’écouler, l’US Avranches a occupé 80% de mon temps. Après, c’est particulier car c’est une période chargée avec la transmission de témoin, le passage devant la DNCG (le 28 novembre), la tournée des partenaires… Avant, c’est Gilbert qui se chargeait des partenaires. Et il ne faut surtout pas remettre au lendemain ce qu’on peut faire aujourd’hui, surtout à ce niveau-là".
En marge de la réception du Mans, le 3 novembre, c'est tout un club qui a rendu un hommage à Gilbert Guérin. ©Damien Deslandes
Gilbert Guérin concentrait énormément de prérogatives autour de sa personne. Déléguer ne constituait pas forcément son point fort. Avec sa disparition, ce modèle semble difficilement reproductible…
NL : "Quand on a appris que Gilbert devait mener un autre combat, on a commencé à plancher sur une nouvelle organisation car ce n’est pas Philippe ou moi qui allons remplacer à nous seuls Gilbert Guérin, c’est tout un club. Maintenant, si de l’extérieur, on pouvait croire que Gilbert était omniprésent, de l’intérieur, il y a une équipe déjà très bien en place avec des mécanismes bien huilés : de l’académie à l’organisation du match du vendredi soir en passant par la gestion quotidienne du club. On a juste redistribué certains rôles pour que chaque bénévole, chaque dirigeant ait un référent vers qui se tourner. Avant, la question ne se posait pas, tout le monde allait voir Gilbert. On a été contraints de mettre en place un organigramme beaucoup plus horizontal".
Cet été, on avait évoqué avec Gilbert Guérin des possibles axes de progression pour l’US Avranches. L’une d’entre elle consistait à se staffer sur les plans administratif, commercial, communication…
"Demain, on doit trouver de nouveaux sponsors. Et quand je parle de demain, c'est un sujet sur lequel on doit se pencher dès janvier"
Nicolas leroux
NL : "Ça serait presque logique. Après, il faut le budget. On va rester fidèle à la ligne de conduite de Gilbert : on ne va pas dépenser l’argent qu’on n’a pas. Si on devait créer un emploi, ça serait pour un responsable commercial qui aurait pour mission de chercher de nouvelles sources de revenus. Encore faut-il dénicher la bonne personne. C’est un sujet important car demain, on doit trouver des sponsors majeurs. Et quand je parle de demain, c’est un sujet sur lequel on doit se pencher dès janvier. On doit mettre en place une véritable stratégie. Je pense qu’on a une histoire à raconter ; celle d’un club à la culture normande qui peut intéresser de nombreux partenaires issus du terroir".
Gilbert Guérin s’impliquait énormément dans le fonctionnement de l’équipe évoluant en National, y compris dans le recrutement. Comment allez-vous vous positionner par rapport à ce volet sportif ?
NL : "Déjà, un nouvel administrateur en charge de la partie sportive nous a rejoint au Comité d’administration de la SAS en la personne de Jacques Philip (ancien joueur professionnel à Lyon, au SM Caen et à l’US Avranches dans les années 1980-1990). C’est un maillon entre nous, la direction, et l’équipe première même si on est très proche d’elle. Il est également le bras droit de Xavier Gravelaine (le directeur sportif). Tous les deux, ils possèdent les codes du haut niveau. Maintenant, comme pour tous les autres aspects concernant le club, on va travailler en équipe".
Joueurs, membres du staff, bénévoles, dirigeants réunis (symboliquement) autour de « leur » président, Gilbert Guérin. ©Damien Deslandes
Vous faites référence à Xavier Gravelaine. Il y a également le coach Damien Ott. L’une de vos missions, aujourd’hui, va être de manager ces deux hommes dotés de fortes personnalités…
NL : "Aujourd’hui, tout le monde tire dans le même sens. Je discute beaucoup avec Damien. En septembre et en octobre, je le trouvais un peu isolé. Il y a certains détails qui lui pesaient".
PBL : "Ce sont des petits détails qui peuvent générer de la frustration".
NL : "Parfois, les relations ont été un peu tendues entre Damien, Xavier et Gilbert. On a désamorcé plein de petits conflits qui de l’extérieur peuvent paraître dérisoires mais qui sont à prendre très au sérieux. On essaye de tenir le rôle de facilitateur, d’apaiser certaines relations, si le besoin s’en fait ressentir".
On évoque l’aspect sportif. Le mercato hivernal approche à grands pas (1er janvier - 1er février). L’US Avranches aura-t-elle les moyens de renforcer son effectif ?
NL : "Déjà, sur la deuxième partie de saison, on va récupérer notre attaquant Isaac Tshipamba (prêté par QRM cet été) qui est blessé depuis le début de la saison. Je pense que ça peut être une belle révélation. Après, d’une manière plus générale, on a fait un point avec Xavier sur tous nos joueurs sous contrat, notre masse salariale et notre budget prévisionnel. On va savoir ce qu’on peut se permettre et ce qu’on ne peut pas se permettre. Je pense qu’on va pouvoir bouger au moins sur un joueur. A mon sens, il est indispensable d’engager une belle recrue. Depuis le début du championnat, le coach milite pour un attaquant et un défenseur supplémentaires. Il fait son boulot (sourire). On l’a entendu. Xavier a déjà quelques pistes".
"le coach milite pour un attaquant et un défenseur supplémentaires. Il fait son boulot (sourire). Xavier a déjà quelques pistes"
Nicolas Leroux
On imagine que le plus bel hommage que l’US Avranches puisse rendre à Gilbert Guérin serait de décrocher ce maintien en dépit, de nouveau, de six descentes dans un championnat comprenant 18 équipes…
NL : "En parlant d’hommage, on a vécu une soirée avec énormément d’émotions contre Le Mans (J12. victoire 2-1, le 3 novembre). Ce soir-là, ce fut l’hommage d’un club qui a accompagné son président jusqu’au bout. Pour en revenir au maintien, complètement. Ça serait extraordinaire, pour Gilbert, pour le club… Vivre une 11e saison consécutive en National. Réussir ce challenge un peu fou de se maintenir deux années consécutives malgré cette réforme du championnat, ça serait quelque chose d’énorme".
> N1. J14 - Châteauroux (14e - 13 points) / US Avranches (10e - 16 points), vendredi 24 novembre à 19 H 30 au Stade Gaston-Petit.
Qui sont Nicolas Leroux et Philippe Blin-Lebreton ?
Pour les familiers de l'US Avranches, Nicolas Leroux et Philippe Blin-Lebreton ne sont pas des inconnus. Bien au contraire. Ces deux Avranchinais pure souche (ils sont nés à l'ancienne clinique, place Patton) sont administrateurs de la SAS (Société par actions simplifiée) depuis sa constitution, le 1er juillet 2021. Cette entité a la gestion de l'équipe première, évoluant en National. "C'est Gilbert qui a nous proposé d'y entrer", rappelle Philippe Blin-Lebreton, associé avec Nicolas Leroux et Gilbert Guérin dans « Rêvons éveillés » ; une structure créée spécifiquement et détenant un tiers des parts de la SAS (les deux autres tiers appartenant à Sonorcom - Filiale communication du groupe des Maîtres Laitiers du Cotentin et à l'association). "Certes, le passage de témoin a été brutal mais comme l'équipe était déjà en place, ça s'est, malgré tout, déroulé en douceur".
Mais leur rapport avec l'USAMSM est bien plus antérieur. "Que ce soit en tant que joueur, partenaire ou tout simplement supporter, j'ai toujours été connecté avec le club", témoigne Nicolas Leroux qui a défendu les couleurs « Bleu et Blanche » pendant une trentaine d'années, réparties en deux passages : le premier de l'école de foot jusqu'en senior, le second avec les vétérans. "J'ai pris ma première licence à l'âge de 7 ans. Je me souviens que j'avais demandé quatre pièces de dix francs à mes parents pour la payer". Avec son entreprise, Leroux construction, il n'a jamais non plus hésité quand Gilbert Guérin l'a sollicité. "Je crois qu'on a fait toutes les charpentes et les toitures du siège, du club house, du VIP et de la plaine (le centre d'entraînement)".
"Il faut savoir que cette saison devait être la dernière de Gilbert comme président"
Philippe Blin-Lebreton
C'est en certifiant les comptes de l'US Avranches pour les passages devant la DNCG (Direction nationale de contrôle et de gestion), tout d'abord pour le cabinet Hamelin - Lecardonnel puis comme indépendant que Philippe Blin-Lebreton a, lui, fait la connaissance de Gilbert Guérin. S'il a également tapé dans le ballon rond dans ses jeunes années, c'est plus sur une selle que ce commissaire aux comptes s'est illustré sur le plan sportif. "J'ai fait de l'équitation en compétition, du jumping, pendant 15 ans, avec mon frère, Guillaume, qui, lui, est cavalier professionnel". Si la disparition de Gilbert Guérin a précipité leur exposition sur le devant de la scène, ces deux dirigeants auraient certainement été appelés, dans un avenir proche, à se retrouver en première ligne. "Il faut savoir que cette saison devait être la dernière de Gilbert comme président. Il l’avait annoncé à sa femme (Huguette) et j’avais assisté à une conversation où il l’avait évoqué", dévoile Philippe Blin-Lebreton.