C'est tout à la fois une demi-surprise et un vent de fraîcheur pour l'équipe de France. À 29 ans, un âge pour le moins tardif pour se muer international, l'ancien Avranchinais Jonathan Clauss va découvrir Clairefontaine dès ce lundi. L'actuel joueur de Lens a passé une unique saison du côté de la baie du Mont-Saint-Michel, loin d'être la moins marquante puisqu'il était notamment du quart de finale de Coupe de France disputé au Stade Michel-d'Ornano contre le Paris-Saint-Germain (4-1) en 2016-2017. "On est flattés et très fiers d'avoir vu un garçon comme lui passer chez nous", se réjouit Gilbert Guérin, le président de l'USAMSM. "Il a évidemment beaucoup progressé depuis son passage ici et c'est un exemple pour tous les gens qui pourraient se décourager puisqu'il est arrivé tard sur le marché professionnel". Après avoir découvert la Ligue 2 sous le maillot de QRM en août 2017, au sortir de sa seule saison avranchinaise, le défenseur droit a passé deux années à Bielefeld (D2 allemande) avant d'exploser sous le maillot lensois depuis 2020.
Comme ils en ont souvent pris l'habitude, les Avranchinais ont eu le nez creux en faisant confiance à l'été 2016 à un jeune homme qui avait alors tout à prouver. "Le mérite de l'avoir pris revient à Damien Ott (l'entraîneur du club manchois entre 2015 et 2018) qui était Alsacien comme lui", salue Gilbert Guérin. "Avant, Jonathan évoluait à Raon-l'Etape en CFA 2", détaille Christophe Duboscq, alors adjoint de l'équipe première. "Un agent l'a présenté au club et Avranches essayait déjà à cette époque de donner à des jeunes la possibilité de jouer en National. Il a dû faire une petite semaine d'essai et il a su convaincre tout le monde avant de réaliser la saison qu'on connaît".
Formé au RC Strasbourg où il n'aura jamais eu la chance de signer « pro », Jonathan Clauss a fait ses premiers pas dans le monde du haut niveau lors de son arrivée à Avranches. Et tout ne fut pas toujours rose sur les hauteurs de la cité manchoise. "On dira qu'il n'était pas toujours dedans", sourit Gilbert Guérin. "Mais il a forcément travaillé pour en être arrivé là, c'est quelqu'un qui aurait pu laisser tomber mais il n'a jamais lâché. Il est resté longtemps jeune, trop sûrement, mais il a su prendre les choses à son compte et ça, ça ne peut arriver que quand on est intelligent". Sans forcément laisser présager d'un destin sous le maillot Bleu, le Jonathan Clauss de 2016-2017 avait d'ores et déjà ces qualités qui font actuellement de lui l'élément défensif le plus décisif d'Europe (quatre buts pour neuf passes décisives) à égalité avec le joueur de Liverpool Trent Alexander-Arnold (deux buts et 11 passes décisives). "Sur le terrain, il était déjà plein d'envie, toujours porté vers l'avant et plein d'énergie", témoigne le milieu de terrain Sylvestre Guyonnet, son ancien partenaire à Avranches, aujourd'hui à l'AG Caen (N3). "C'est quelqu'un de tonique et il est pareil dans la vie".
L'ambianceur du bus d'Avranches va découvrir Clairefontaine
Au-delà de cette forme étincelante qu'il affiche encore et toujours sous le maillot « Sang et Or », c'est effectivement la joie de vivre du natif de Strasbourg qui a marqué ses pairs à Avranches. "Il fait l'unanimité partout où il passe, il n'y a qu'à voir la vidéo de Lens où on le voit découvrir la liste de Didier Deschamps", poursuit Sylvestre Guyonnet qui reste en contacts réguliers avec son ex-coéquipier. "Tous ses partenaires étaient autour de lui, on ne voit pas ça dans tous les clubs pros où il y a beaucoup d'individualisme. Là, tout le monde est content pour lui, il arrive à se fondre dans tous les groupes". "C'est un très bon mec", assure Christophe Duboscq pour qui l'année de coaching aux côtés du défenseur de 29 ans demeure un excellent souvenir. "Il va encore découvrir autre chose, il va arriver avec les meilleurs joueurs mais il va amener sa fraîcheur. Il va arriver en équipe de France comme il a toujours été, sans se poser de questions". Nul ne s'attend en effet à voir l'éternel jovial dévier de sa trajectoire.
S'il y a par ailleurs un joueur qui a marqué la saison 2016-2017 de l'US Avranches par sa bonhomie et son enthousiasme, c'est bien Jonathan Clauss. "J'ai en mémoire notre trajet jusqu'au Stade d'Ornano pour affronter le PSG", relate Christophe Duboscq. "De l'hôtel jusqu'au stade, il était debout dans le bus et il a mis une ambiance incroyable. On allait jouer un quart de finale, on aurait pu tous être dans le bus avec les casques sur les oreilles et rester isolés, concentrés, lui était debout à nous dire de regarder les gens qui nous encourageaient dans l'allée. Eux tapaient dans le bus, lui nous disait : « Les gars, ils sont tous là pour nous, allez, on va faire un super match ! ». Même si on a été battu ce jour-là (4-0), on a effectivement fait un super match".
Ce jour-là justement, Jonathan Clauss avait notamment fait face à Adrien Rabiot, Presnel Kimpembe et Christopher Nkunku. Cinq ans plus tard, il va les retrouver au plus haut niveau qui soit. Qui l'eut cru ? "C'était un latéral moderne qui prenait beaucoup le couloir et jouait tout le temps vers l'avant. Mais quand il était à Avranches, je ne pense pas que quelqu'un ait pu penser qu'il serait en équipe de France quelque temps plus tard", reconnaît logiquement Christophe Duboscq. "Là-dessus, tout le mérite lui en revient". S'il n'avait pas non plus anticipé cette trajectoire pour son pote, notamment eu égard à "son hygiène de vie pas irréprochable", Sylvestre Guyonnet n'a pas tout à fait la même analyse. "On sait que tout peut arriver dans le foot et moi, je n'aime pas mettre des joueurs dans des cases en me disant qu'un tel peut jouer là ou ne le peut pas", argumente l'ancien Avranchinais. "Dans le football, il y a tellement des contre-exemples de nos jours, à commencer par N'Golo Kanté". N'Golo Kanté justement, dernier joueur en date ayant évolué dans un club de l'ex-Basse-Normandie (SM Caen) avant de pousser les portes de l'équipe de France, a désormais un magnifique successeur.
Un joli coup de projecteur sur l'US Avranches
Cette semaine, Jonathan Clauss a éclipsé tous ses nouveaux camarades en Bleu ou presque. Bien que la première sélection, elle aussi, de Christopher Nkunku ou le remplacement de Karim Benzema par Olivier Giroud aient fait couler de l'encre, la formidable histoire du gamin d'Alsace a nettement eu les faveurs de la presse nationale. Par ricochet, c'est tout l'US Avranches et sa politique tremplin qui en ont profité dans la mesure où le passage de l'arrière-latéral au sein du club manchois restera comme une grande étape de sa carrière atypique.
"C'est un éclairage formidable pour l'US Avranches et des petits clubs comme nous en ont besoin", fait remarquer Gilbert Guérin, pas peu fier de voir le nom de son club être cité dans tous les médias ou presque depuis jeudi. "J'insiste sur le fait que c'est une grosse fierté et quelque part, la sélection de Jonathan met en valeur ce qu'on essaie de construire ici. Qu'on puisse collaborer petitement sur des garçons qui arrivent en équipe de France, c'est inespéré". Désormais, qu'ils s'appellent Gilbert Guérin, Christophe Duboscq, Damien Ott ou Sylvestre Guyonnet, tous suivront avec passion les premiers pas attendus en Bleu de Jonathan Clauss, ce vendredi soir (21 H 15) contre la Côte d'Ivoire.
3️⃣nouvelles têtes à Clairefontaine ! ? #FiersdetreBleus pic.twitter.com/rwynbnOLX1
— Equipe de France ⭐⭐ (@equipedefrance) March 21, 2022
Aurélien Renault