Partout où Fred Reculeau passe, ses équipes jouent un football enthousiasmant, faisant la part belle à la possession. A Luçon, aux Herbiers ou à Avranches actuellement, le coach vendéen s’est construit une solide réputation autour de projets de jeu protagoniste depuis de nombreuses saisons. Avis aux suiveurs du Stade Malherbe sevrés de beau jeu depuis plusieurs années ! N’hésitez pas à consacrer vos vendredis soir à regarder du N1 et plus particulièrement l’US Avranches Mont-Saint-Michel. Ça vaut le détour. Depuis son arrivée à l’été 2018 dans le sud-Manche, Fred Reculeau n’a pas renié ses convictions et c’est une chance, malgré l’échec qu’il avait connu aux Herbiers en étant débarqué en janvier 2018 après une année et demie de résultats irréguliers.
La possession des équipes entraînées par Fred Reculeau.
Les critiques sur le football français sont nombreuses. Parmi celles-ci, figure le manque d’expression collective de nos clubs, et cela se ressent notamment lors des joutes européennes avec des affrontements face à des adversaires n’hésitant pas à prendre des initiatives ballon au pied.
Dans le contexte professionnel et semi-professionnel de notre pays, le projet de jeu avranchinais fait office d’ovni. Fred Reculeau est un entraîneur courageux pour oser proposer un football protagoniste comme celui de l’USAMSM alors que la bien-pensance française n’hésite pas à dénigrer toute tentative non conformiste. On mesure ce décalage lorsqu’un commentaire TV va persifler les tentatives de relances courtes depuis le gardien car selon lui, c’est une trop grosse prise de risque. Le rapport coût/bénéfice est pourtant favorable mais certains préfèrent un jeu bridé, sans risque et donc sans émotion.
La passe comme moyen de dérouter l'adversaire
Des émotions à Fenouillère, il y en a. L’ancien coach de Luçon a repris des principes qui ont fait leur preuve par le passé. Il souhaite évidemment que son équipe tienne le ballon, et utilise la passe pour s’organiser mais aussi pour dérouter l’adversaire. Football de possession n’est pas synonyme de football d’attaque. Les Avranchinais ne se ruent pas à l’attaque de manière désorganisée ou en nombre. Ils privilégient une construction basse avec des circuits de jeu dans leur propre camp en gardant un grand nombre de joueurs derrière le ballon. Ces principes permettent de limiter la prise de risque et surtout d’être équilibré lors de la perte de balle car en réalisant des passes courtes proches de son but, le déchet technique peut être vite sanctionné. Les protégés de Fred Reculeau tentent d’aspirer leur adversaire en invitant au pressing et en allongeant la possession. Par la passe, ils manœuvrent, créent de l’espace derrière la première et deuxième ligne de pression en étirant le bloc adverse.
Passmap de l’US Avranches contre le Red Star (J27. 1-0, le 27 mars).
Par leur mobilité, leur technique et l’orientation de leur corps, le gardien, les défenseurs centraux, les milieux relayeurs et les latéraux sont très sollicités. Précieux, ils doivent être capables de résister à la pression adverse pour créer le déséquilibre en trouvant des joueurs face au jeu, lancés. Les Passmap (position moyenne des joueurs et circuits de passes privilégiés) avranchinaises se ressemblent beaucoup. L’exemple ci-dessus est celui de la rencontre contre le Red Star (J27. 1-0, le 27 mars). On y voit le reflet de la construction basse voulue avec peu de joueurs offensifs très haut sur le terrain mais aussi de nombreuses passes réalisées entre le gardien Brice Cognard (n°16), les défenseurs centraux Harold Voyer (n°15) - Yohan Baret (n°5) et la sentinelle Charles Boateng (n°8).
Des remises en jeu depuis les six mètres dignes d’ouvertures de joueurs d’échecs
L’USAMSM déploie un jeu patient avec 430 passes en moyenne par match et un taux de 83,7% de passes réussies (le deuxième meilleur total de National), peu mis en lumière par le nombre d’attaques placées : 23,26 par match, le moins bon score du championnat. Malgré 55,7% de possession de balle, l’équipe de la Manche ne tente que 47 passes en moyenne par match dans le dernier tiers, 16e de N1 (statistiques arrêtées après la 28e journée).
Lorsque l’on affronte les joueurs de Fred Reculeau, on sait à quoi s’en tenir. Les intentions sont claires. Souvent le jeu combiné effectué dans les 40 premiers mètres aboutit à des renversements de jeu vers les ailes où les latéraux ont une grande influence offensive. Les ailiers n’hésitent pas à libérer les côtés. Azzeddine Ounahi est par exemple un meneur excentré sur le papier qui rentre intérieur et n’hésite pas à réaliser des courses diagonales ballon au pied.
Avranches cherche à s’offrir des options de jeu pour attaquer la profondeur et les grands espaces. On pourrait supposer que son jeu est stéréotypé et prévisible mais la manière de fixer l’adversaire par la passe, de créer le mouvement et de ne pas subir amène souvent l’adversaire dans une situation inconfortable déséquilibrant sa structure défensive. Les remises en jeu depuis les six mètres sont un régal pour les yeux avec des ouvertures dignes de joueurs d’échecs.
Bradley Danger, Victor Lobry, Azzedine Ounahi...
Cette saison, la réussite comptable n’est pas autant au rendez-vous que lors de l’exercice précédent (2019-2020) bouclé à la quatrième place (à l’arrêt du championnat à la mi-mars à cause de la crise sanitaire). L’USAMSM est souvent pris à son propre piège en perdant le ballon dans des zones dangereuses, le plus souvent par des erreurs techniques dans l’axe. Elle subit en moyenne 12,2 tirs par match, lanterne rouge de N1 à ce niveau. A l’inverse, l’an passé, les « Bleus » subissaient seulement 8,4 tirs par match, deuxième plus faible score en National ! Les principes de jeu et sous principes sont peut-être moins bien assimilés cette saison avec une préparation qui a été largement tronquée par la Covid-19 (avec notamment plusieurs joueurs testés positifs).
Toujours est-il que le projet de jeu de coach Reculeau basé sur le plaisir avec le ballon est très bien coté parmi les équipes de National. Il séduit de nombreux joueurs chaque année et Avranches continue de servir de tremplin et de révéler des joueurs. Bradley Danger, Victor Lobry hier. Azzeddine Ounahi demain. Fred Reculeau sait valoriser les talents et mériterait une meilleure exposition pour son travail et ses convictions. Dans mes rêves les plus fous, c’est lui le futur entraîneur du Stade Malherbe.
Azzedine Ounahi fait partie des joueurs dont Fred Reculeau sait valoriser le talent. ©Damien Deslandes