Foot Normand

Granville et Vire, deux budgets bâtis pour subsister en National 2

Respectivement président de l’AF Virois et de l’US Granville, Christophe Lécuyer et Benjamin Bahu veillent à la bonne santé financière de leur club, tout en essayant de leur permettre d’atteindre leur objectif sportif. ©Damien Deslandes

Elle a beau avoir déserté les Unes des magazines et des journaux télévisés, la Covid-19 n’en reste pas moins une réalité. Ses conséquences sur la dynamique économique des entreprises et par ricochets celle des clubs sont donc toujours bien présentes. "La conjoncture actuelle n’est pas des plus simples", reconnaît Benjamin Bahu, le président de l’US Granville. "C’est pourquoi on a souhaité être prudents comme je l’avais annoncé en présentant un budget à la baisse". À l’aube de sa huitième saison consécutive au quatrième échelon national, le club manchois n’entend pas faire de folies et a bâti un projet raisonnable. "On va être sur un budget compris entre 1 et 1,1 M€ sur la saison à venir. On était plus sur un budget d’1,15 M€ l’année précédente", dévoile le dirigeant normand.

À une soixantaine de kilomètres plus à l’est, l’AF Virois est sur une trajectoire inédite. Après avoir pesé de tout son poids sur le N3, le club du Bocage ne compte pas manquer son entrée à l’échelon supérieur. Pour atteindre son objectif, l’AFV a ainsi fort logiquement revu son budget à la hausse. Là encore, sans tomber dans le déraisonnable. "On a présenté un budget de 717 000 € mais j’aimerais bien qu’on puisse aller jusqu’à 750 000 €", expose le président Christophe Lécuyer qui pouvait s’appuyer sur près de 600 000 € la saison dernière. "Bâtir un budget, ce n’est jamais simple mais on s’y était préparé. Je suis agréablement surpris de l’écoute de mes partenaires parce que tous ont manifesté l’envie de nous accompagner du mieux qu’ils pouvaient".

1,1

En millions d’euros, le budget maximum de l’US Granville pour cet exercice 2023-2024. Un montant en légère baisse par rapport à l’exercice précédent puisqu’il était d’1,15 M€.

Elu meilleur joueur de N3 la saison dernière, l'attaquant Arthur Dallois sera de nouveau l'un des principaux atouts de l'AF Virois pour cette découverte du N2. Idem pour l'emblématique Abel Behma du côté de l'US Granville. ©Damien Deslandes

Pour faire rentrer des sous dans les caisses, Granville et Vire s’appuient sur trois leviers distincts : les recettes liées à l’événementiel, les apports privés et les aides publiques. “Chez nous, je dirais que le budget est partagé entre 10% pour le public et 90% pour le privé", précise Benjamin Bahu qui peut notamment compter sur une aide stable de la municipalité à hauteur de 70 000 € (incluant également la mise à disposition de deux éducateurs sur des activités périscolaires). "À Vire-Normandie, pour l’instant, l’effort de la municipalité n’est pas acté", répond Christophe Lécuyer. "Ça passera en conseil municipal évidemment mais la demande n’a même pas été formulée. En N3, on avait de l’ordre de 90 000 € de la Ville dont 20 000 € de subventions exceptionnelles pour l’équipe première”.

"A Granville, on souhaite que nos partenaires soient majoritairement des mécènes locaux", Benjamin Bahu

S’ils peuvent aussi intégrer dans leur budget des aides de la Fédération française, de leur département respectif et de la Région Normandie (qui ne soutient financièrement les clubs de football qu’à partir du niveau N2), l’USG et l’AFV font surtout des différences avec leurs partenaires. À Granville d’ailleurs, Benjamin Bahu préfère le terme "mécènes". "On souhaite que nos partenaires soient majoritairement des mécènes locaux ; ce qui est le cas aujourd’hui donc on table sur un territoire très restreint autour de Granville. Aujourd’hui, il y a 150 mécènes qui accompagnent le club. Chacun donne ce qu’il peut donner. Chaque entreprise nous soutient en fonction de ses moyens, de ses envies et de son degré de passion par rapport à l’association et au foot".

Le son de cloche côté virois est à peu de chose près identique puisque c’est un tissu d’entreprises locales, au nombre de 70, qui permet au club de grandir saison après saison. "On essaie de faire en sorte que le partenaire s’y retrouve", livre Christophe Lécuyer. "Et chacun ne s’y retrouve pas de la même manière. Il y en a qui ont besoin de visibilité, d’autres vont le faire davantage pour faire plaisir ou participer à l’aventure. Je tiens par-dessous tout à ce qu’il y ait un vrai lien entre le club et le partenaire et notamment entre les joueurs de l’équipe première et le partenaire".

717 000

Promue en N2, l’AF Virois a présenté un budget de 717 000 € devant la DNCG contre 600 000 € lors de l’exercice précédent. En fonction des différents partenariats qui pourraient rentrer, le président Christophe Lécuyer espère le porter à 750 000 €.

Comme l'AF Virois, l'US Granville commence à avoir une belle petite colonie d'anciens pensionnaires du centre de formation du Stade Malherbe. Après Paul Reulet et Théo Barré, c'est Allan Bidard qui a rejoint la cité maritime. ©Damien Deslandes

Si l’AFV cherche au maximum à récompenser l’investissement de ses partenaires, l’USG possède une autre approche. “On n’est pas sur du sponsoring mais bien sur du mécénat donc est extrêmement vigilant sur le sujet”, précise Benjamin Bahu. "Les contreparties restent limitées. Après, on essaie de les accueillir de la meilleure des manières les soirs de match et on organise aussi une soirée pour les mécènes". S’ils n’ont pas le même mode opératoire en coulisses, Granville l’habitué et Vire le novice nourrissent exactement le même objectif sur le terrain. Les deux seuls pensionnaires normands alignés en N2 visent tout simplement le maintien. Leur budget est-il suffisant pour concurrencer les autres clubs qui se présentent sur la ligne de départ ? "Je pense qu’il faut être lucide, c’est un budget qui reste respectable et qui, à ce jour, doit nous permettre de nous maintenir”, assure le président des Maritimes qui entame sa troisième saison dans ce costume. "On doit être dans les budgets médians de N2, il y a souvent un lien de cause à effet entre les résultats sportifs et le budget".

"on ne sera pas les seuls sur cet ordre de grandeur. Châteaubriant ou Dinan se rapprochent de nous", Christophe Lécuyer

Ce qui est certain, c’est que le budget granvillais dépasse logiquement celui de son homologue virois. Les dirigeants de l’AFV ont cependant déjà conscience qu’ils barboteront dans les eaux des écuries les plus modestes de la division. "Evidemment, on n’a pas les moyens des autres même si je pense qu’on ne sera pas les seuls sur cet ordre de grandeur non plus", veut croire Christophe Lécuyer. "Châteaubriant ou Dinan se rapprochent de nous". Si l’économie est une arme, il en existe d’autres dans le football amateur. Sans quoi, l’US Avranches par exemple ne serait pas l’actuel doyen du National. "Je pense que les clubs qui sont montés récemment en National 1 ou même en Ligue 2 n’étaient pas forcément programmés pour cela", poursuit le maître à penser de l’AFV.

"Ça prouve aussi qu’il y a encore cette place dans le sport pour que des équipes avec moins de moyens réussissent à en renverser d’autres qui en ont davantage. C’est valable à tous les étages d’ailleurs, que ce soit dans le monde amateur comme au plus haut niveau". Alors que de nombreux clubs ont payé cher ces dernières semaines pour leurs errements financiers (Cherbourg, Evreux, Chartres, Sète…), l’US Granville et l’AF Virois se sont normalement prémunis contre toute mauvaise surprise au printemps prochain. "Notre budget doit nous permettre non pas de bien naviguer en N2 mais de nous maintenir en travaillant intelligemment, différemment peut-être aussi", conclut Benjamin Bahu. "Avec l’expérience que chacun cumule, on doit chaque année faire un peu mieux dans nos choix". En football en tout cas, les bons comptes font les bons amis, surtout dans la période actuelle.

Aurélien Renault

Quitter la version mobile